La 10ème édition du Rendez-vous de Casablanca de l’Assurance s’est ouverte ce mercredi 17 avril 2024 à Casablanca sous le théme captivant ‘‘ Quelle assurance dans un monde d’incertitudes ? ’’. Le président de l’ACAPS a rappelé les avancées réalisées dans le secteur des assurances mais aussi les défis qui restent à relever face à la récurrence des risques.
Lors de la séance d’ouverture, le président de l’Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS), Abderahim Chaffai, a précisé que cette 10ème édition est l’occasion de mieux appréhender les incertitudes qui planent sur le secteur et lui imposent de sortir de sa zone de confort et de faire preuve d’une grande agilité et d’une forte capacité d’adaptation.
« En effet, les enjeux sont de taille pour le secteur en raison de la multiplication des risques émergents tels que les crises sanitaires, le changement climatique, les risques liés aux catastrophes naturelles, les bouleversements technologiques, ou encore géopolitiques combinée à l’incertitude de leur survenance et de leur évolution posent de nouveaux défis au secteur.
A commencer par la nécessité de transformer les risques en opportunités et de trouver un nouvel équilibre entre risques émergents et résilience dans ce contexte empreint d’incertitudes qui modifie les attentes et besoins et module les marchés », a -t-il précisé.
Il a rappelé que cette situation exige de la part des assureurs des efforts soutenables et une réflexion innovante pour répondre au double enjeu qui consiste à réduire les limites de l’assurabilité tout en protégeant les biens et les personnes et en sauvegardant la résilience et la solvabilité du secteur.
Chaffai a précisé que pour atteindre cet objectif et mieux gérer les risques dans cette époque plus que jamais marquée par un bon nombre d’incertitudes qui risquent manifestement de perdurer à long terme, l’ACAPS préconise la nécessité à mettre en oeuvre une stratégie de gestion prospective afin de réagir en temps voulu et de manière appropriée.
« A cet égard, je voudrais souligner en premier lieu que je suis intimement convaincu que les défis émergents qu’affronte le secteur ne peuvent être relevés qu’à travers une stratégie basée sur la coopération et la concertation entre les pays, surtout dans le contexte actuel caractérisé par la mondialisation des marchés et leur évolution rapide », a-t-il souligné.
En ce qui concerne plus particulièrement le Maroc, l’ACAPS suit de près les évolutions macro-économiques et surveille les risques pesant sur la stabilité du secteur des assurances.
Chaffai a tenu à préciser que la stabilité politique et économique dont jouit le Maroc sous la Conduite éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI constitue un atout majeur. Et pour cause : les incertitudes politiques et économiques peuvent avoir un impact négatif sur le développement du secteur. « Il faut dire que grâce à un environnement politique stable, les acteurs du secteur des assurances au Maroc peuvent opérer dans un cadre propice à l’innovation, à la croissance et à la confiance des assurés. Cela se traduit par une plus grande attractivité pour les investissements et une meilleure protection pour les assurés, contribuant ainsi à renforcer la solidité et la résilience du secteur des assurances dans notre pays », précise-t-il.
Dans ce contexte national, le secteur marocain des assurances a démontré sa résilience en maintenant sa bonne dynamique de croissance (+ 4 % en 2023) et dégageant une marge de solvabilité supérieure au seuil réglementaire. Néanmoins, Chaffai a rappelé que la conjoncture nous impose d’être proactifs et de rester vigilants face aux différentes transformations et aux imprévus afin de savoir négocier les virages avec confiance et au bon moment. En effet, même dans un environnement stable, des événements imprévisibles peuvent avoir un impact significatif sur les activités des assureurs.
« A titre d’exemple, le Maroc, comme le reste du monde, a subi, ces dernières années, des pressions inflationnistes engendrées par plusieurs chocs tels que la crise sanitaire du Covid-19 et les tensions géopolitiques, qui ont, à coup sûr, impacté les bilans des assureurs. En ce qui concerne l’année en cours, les projections relatives à l’inflation sont assez rassurantes au niveau national. Espérons que l’atténuation des pressions inflationnistes s’inscrira dans la durabilité (mais sans pour autant tomber dans un optimisme béat) », a-t-il déclaré.
L’univers d’incertitudes en expansion dans lequel nous vivons nous force à repenser nos stratégies afin d’assurer la résilience du secteur des assurances et répondre aux besoins des assurés.
Dans ce cadre, l’ACAPS un grand intérêt au volet de la gouvernance, dans lequel s’inscrit le projet de solvabilité basé sur les risques (SBR) qui est en ligne avec les standards internationaux. De grandes avancées ont été réalisées dans ce chantier qui sera bientôt déposé dans le circuit d’adoption, a annoncé le président de l’ACAPS. Et d’ajouter » ce projet structurant va, indéniablement, contribuer au renforcement de la résilience de nos opérateurs face à des chocs de plus en plus volatiles et extrêmes. Bien entendu, dans la conception de ce projet, tout a été fait pour que la transition vers ce nouveau régime prudentiel ne fasse pas obstacle au financement de l’économie et des chantiers stratégiques et d’infrastructures de notre pays ».
Dans un environnement en mutation, l’Autorité veille en effet à préserver l’efficacité du cadre prudentiel et à se montrer réactive face aux risques en développement.
« Commençons par le risque le plus pressant de notre époque : le changement climatique. Vous n’êtes pas sans savoir que l’augmentation en fréquence et en intensité des événements climatiques a un impact certain sur le secteur des assurances.
A ce titre, je voudrais souligner que nous devons être bien conscients que les risques d’ordre financier ne doivent pas reléguer au second plan les risques climatiques, surtout dans le contexte actuel marqué par l’augmentation de la fréquence des évènements catastrophiques et des risques financiers qui en résultent et affectent la résilience des institutions financières. L’assurance doit en effet s’investir davantage dans la lutte contre le réchauffement climatique et accompagner la transition énergétique de nos économies », précise le président de l’ACAPS.
Et d’ajouter « Ainsi, nous veillons d’une part, à mieux comprendre les effets du changement climatique sur le secteur, et, d’autre part, à mettre en place des règles prudentielles adéquates en vue notamment d’atteindre les objectifs escomptés en matière de stabilité et de résilience du marché de l’assurance au profit des assurés. Dans cette optique, nous avons travaillé sur une instruction relative à la gouvernance et à la gestion des risques financiers liés au changement climatique et à l’environnement pour répondre aux enjeux et impacts de ces risques sur l’activité d’assurance ».
Notons que le Maroc a parcouru un chemin considérable basé sur la proactivité pour faire face aux risques extérieurs, ce qui a permis aux pouvoirs publics de répondre efficacement aux conséquences du séisme d’Al Haouz et au secteur des assurances de soutenir le dispositif mis en place suite aux Hautes Orientations de Sa Majesté le Roi pour venir en aide à la population sinistrée.
« Ce drame, aussi douloureux qu’il soit, est venu rappeler l’importance de notre nouveau régime de couverture contre les événements catastrophiques. Celui-ci a permis de mobiliser au profit des victimes une enveloppe de 3,2 Mds de DH. Avec les pouvoirs publics et la profession, nous sommes conscients que le gap de couverture doit être comblé et la réflexion a d’ores et déjà été engagée pour trouver des schémas plus inclusifs« , a déclaré Chaffai.
Ceci dit, la conjoncture impose au secteur d’être proactif en se montrant réactif face aux risques en développement, tels que le risque cyber. Si la promotion de la digitalisation est désormais un impératif pour les assureurs pour demeurer compétitifs et faire face aux transformations numériques et s’adapter aux nouvelles habitudes de consommation, il n’en demeure pas moins qu’il faut rester attentif face aux risques qui y sont associés, notamment ceux liés à la cybersécurité.
« De notre côté en tant régulateur, nous avons initié un projet d’instruction visant à fixer les principes devant être considérés par les entreprises d’assurances pour la gestion des risques cyber ; l’objectif étant d’établir un système efficace de cybersécurité garantissant la sécurité opérationnelle des assureurs et protégeant les données des assurés et des tiers », a souligné Chaffai.
Et d’ajouter « nous devons en effet créer les conditions favorables pour rendre ce risque assurable et économiquement supportable. Si des nouvelles options de partage du risque entre assureurs, réassureurs et assurés peuvent être imaginées, il appartient aux pouvoirs publics et aux opérateurs économiques de développer une culture autour de la cybersécurité. Il faut dire que la sensibilisation est un pilier important pour améliorer la protection des assurés et renforcer la résilience de nos économies ».
Le président de l’ACAPS a également soulevé une question de la plus haute importance pour le développement du secteur, celle de la confiance. Si celle-ci est essentielle en temps normal, elle devient cardinale et l’un des facteurs déterminants de la résilience de l’écosystème assurantiel en cette conjoncture empreinte d’incertitudes.
Il a rappelé que la confiance des assurés vis-à-vis des assureurs ne peut être renforcée et maintenue que si l’offre assurantielle est diversifiée et de qualité et les intérêts des consommateurs sont protégés.
Dans ce cadre, le secteur est appelé à se réinventer et à trouver un équilibre délicat entre la nécessité de répondre aux différents risques tout en évitant une exposition déraisonnable.
Dans cette optique, il apparait clairement que le renouveau escompté repose notamment sur la nécessité d’une adaptation continue de l’offre assurantielle. Le secteur est en effet appelé à être capable d’anticiper les nouveaux risques et de proposer des solutions innovantes et adaptées aux besoins des consommateurs et aux nouvelles circonstances.
« Nous sommes en effet très sensibles à l’ensemble de ces questions qui sont au cœur de nos missions de promotion des bonnes pratiques, de protection des assurés et de la promotion de l’inclusion financière. Nous œuvrons, dans ce cadre, à combler les écarts de protection en explorant, en concertation avec la profession, de nouvelles filières d’assurances, et ce pour améliorer la sécurité économique des populations et de leur patrimoine. Une étude stratégique dans ce sens vient d’être lancée dont les résultats sont attendus pour la fin de l’année », a-t-il précisé.
Par ailleurs, il va sans dire que la réduction des disparités sociales et spatiales en matière de protection ne peut se faire sans un réseau de distribution compétent et performant. C’est dans cette perspective que l’ACAPs a initié, de concert avec le Ministère de l’Economie et Finances, la révision du cadre légal régissant la distribution de l’assurance. « Nous nous félicitons de voir ce projet prendre forme et recueillir un large consensus de toutes les parties prenantes. Je reste confiant que les évolutions à venir vont améliorer l’inclusion, ouvrir aux distributeurs de nouveaux horizons et consolider leur rôle dans la chaine de valeur entre assureurs et assurés », s’est félicité Chaffai.
Il a souligné qu’il impératif d’être constamment en mesure de réinventer des modèles de développement résilients, comme démontré lors de la crise sanitaire du Covid-19. « Pour rappel, notre pays y a apporté des réponses diligentes, appropriées et durable. Sous le leadership éclairé de Sa Majesté le Roi Mohammed VI que Dieu L’Assiste, le Maroc a lancé « une révolution sociale » qui va permettre à tous les Marocains de bénéficier d’une protection convenable. 3 ans après son lancement, la généralisation de la protection sociale est aujourd’hui une réalité », a rappelé le président de l’ACAPS.
Et de conclure « nous sommes donc à un moment important où le secteur des assurances est attendu pour jouer un rôle socio-économique capital dans ce monde marqué par l’incertitude, et ce en se tenant constamment à l’affût des nouveaux risques, tout en étant capable de les transformer en opportunités. Si les modèles actuels de mutualisation et dispersion des risques sont sous pression, il nous appartient de réfléchir à des solutions pour préserver et soutenir l’assurance. Celle-ci doit continuer à jouer son rôle et remplir sa fonction d’amortisseur des chocs économiques ».