Le PLF 2021 brille par l’absence de dispositions en faveur de l’emploi. Et pourtant, il ne faut pas sous-estimer la bombe sociale qui risque d’exploser à tout moment. Outre les nouveaux actifs qui rejoignent annuellement le marché de travail, viennent s’ajouter des milliers d’autres qui ont perdu leur travail.
Déjà situé à des niveaux jugés élevés en temps normal, le taux de chômage s’est détérioré davantage dans ce contexte de crise sanitaire.
Les derniers chiffres dont nous a abreuvés le HCP font montre qu’au courant du deuxième trimestre, le marché de l’emploi a connu une perte de 589.000 postes dont 520.000 postes situés en milieu rural et 69.000 en milieu urbain.
Au cours de la même période, le taux de chômage a atteint un pic historique, depuis 2004, de 12,3% en augmentation de 4,2 points par rapport à l’année précédente. Ce taux s’est situé à 15,6% dans les villes, après 11,7% un an plus tôt, et à 7,2% en zones rurales, après 3%.
Depuis toujours, le taux de chômage est jugé sous-estimé à cause d’un calcul biaisé selon les économistes, alors qu’en est-il en ce contexte inédit ?
Cette augmentation du taux chômage a été enregistrée exclusivement parmi les personnes ayant déjà travaillé, dont la plus forte a été marquée parmi les jeunes âgés de 15 à 24 ans (+11,2 points à 33,4%).
Des hausses qui n’augurent rien de bon si l’on prend en considération que chaque année le nombre de nouveaux actifs sur le marché du travail oscille autour de 350.000. Si rien n’est fait, une crise sociale, avec tous ses effets collatéraux, risque à tout moment d’exploser.
Nous avons donc un déséquilibre global entre la capacité de création d’emplois de l’économie et les besoins réels (du fait de la population, de sa jeunesse, de ceux qui quittent le système éducatif, etc.). Il s’agit de données structurelles indépendantes de l’année.
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En vue d’atténuer les répercussions de cette pandémie sur l’emploi, des mesures ont été prises par le CVE en faveur des entreprises impactées.
Parmi ces quelques mesures, nous pouvons citer l’allocation d’une indemnité forfaitaire mensuelle de 2000 DH dans l’objectif de soutenir les entreprises impactées et préserver l’emploi. Dans le même sillage, on peut mettre à l’actif de l’Exécutif le report du paiement que ce soit des cotisations sociales ou des échéances fiscales.
Bref, il s’agit essentiellement de mesures ponctuelles pour sauver ce qui peut l’être dans un contexte où la pandémie ravage tout ce qui traîne sur son chemin. Pris au dépourvu, l’Exécutif conscient des fragilités structurelles, est parti à la rescousse des entreprises fortement secouées par la crise économique induite par la pandémie.
A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles
Pour remédier au problème du chômage, les pouvoirs publics tablent également sur l’auto entrepreneuriat à travers le programme Intelaka. Encore faut-il ne pas fonder beaucoup d’espoir sur ledit programme pour la simple raison que le profil d’entrepreneur n’est pas donné à tout le monde et encore faut-il que les projets soient viables dans une conjoncture où même les grands ont été mis à genoux.
Les contrats-programmes signés par ci par là pour la relance de certains secteurs (tourisme, services…) risquent de prendre un certain temps pour se concrétiser si ce n’est un temps certain.
Ajoutons à cela que certains pans de l’économie ne bénéficient d’aucune mesure de relance pour ne citer que le commerce dont la fédération est montée au créneau pour dénoncer avoir été ignorée par les pouvoirs publics. En attendant des jours meilleurs et que la mayonnaise de l’équipe aux manettes prenne, le redoutable scénario est à craindre sur le plan social.
La mobilisation d’une enveloppe de 120 Mds de DH pour la relance économique dont 75 Mds de DH sous forme de crédits garantis par l’Etat au profit de tous les segments d’entreprises reste sujette à évaluation et ses effets ne peuvent se ressentir dans l’immédiat. Les critères d’éligibilité sont souvent tellement contraignants que la TPME, principal employeur, reste dans les meilleurs des cas la moins servie.
PLF 2021… qui dit emploi ?
La lecture du PLF 2021 met en exergue le peu d’attention accordé à la problématique de l’emploi dans un contexte inédit. On se retrouve avec une seule disposition à savoir l’exonération des jeunes recrues, de 30 ans au plus, ayant un Contrat à Durée Indéterminée, de l’IR pendant deux ans et ce, dans le cadre de leur premier recrutement.
L’objectif étant d’encourager l’emploi des jeunes sans emploi par toutes les entreprises quelle que soit la date de leur création. Cette disposition jouissant de son aspect direct brille par son insuffisance parce qu’elle reste limitée à une tranche de la population. Or, le Maroc fourmille de chômeurs de différentes tranches d’âge.
La conjoncture telle qu’elle se profile n’augure rien de bon en matière d’emploi. Beaucoup d’éléments disent qu’on rentrera de plain-pied dans une période de contraction de l’économie qui pèsera davantage sur l’emploi.
Au-delà même des mesures à caractère fiscal, les pouvoirs publics doivent mettre en place des stratégies adéquates incitant les grands groupes à accompagner le Maroc dans la lutte contre le chômage. L’Etat ne pouvant recruter massivement, le privé doit faire mieux que ce qu’il fait actuellement.
Rien qu’en dépenses fiscales, l’Etat renonce à 28,91 Mds de DH c’est l’équivalent de 302 mesures selon les derniers chiffres publiés dans le rapport accompagnant le PLF 2021.
Pourquoi ne pas exiger des secteurs qui savourent chaque année la saveur de la dépense fiscale d’accompagner les TPE-PME dans leur dynamique de croissance et du coup leur permettre d’être dans la mesure d’investir et de recruter. C’est une création de richesses qui se traduirait ipso facto par une création d’emploi.
L’Etat est appelé à faire preuve d’innovation et mettre en œuvre des mesures draconiennes. Faute de quoi, le taux de chômage atteindra des pics inexorables.
La question qui se pose également est : que faut-il faire pour générer un taux de croissance de 6 à 7% sur une longue période, sans dépendre des aléas climatiques ? L’emploi étant fortement lié à la croissance économique est un secret de polichinelle.
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