Ecrit par S. Es-Siari |
Cette modération dans la distribution des crédits bancaires trouve son explication dans le contexte particulier de cette année caractérisée par une faible progression du PIB couplée à une hausse préoccupante des prix dont le seuil avoisinerait les 6% en 2023-2024.
Les dernières années notamment 2023 ont été teintées par une pression inflationniste des plus importantes. Sans revenir sur les causes ayant nourri cette inflation, il reste néanmoins important de rappeler que ce phénomène de grande ampleur a du jour au lendemain bouleversé les systèmes financiers de par le monde qui se trouvent devant un grand dilemme : comment répondre aux besoins du système productif en liquidités tout en évitant d’alimenter davantage les dérapages inflationnistes ?
L’idée sous-jacente est que la disponibilité des moyens de financement en quantité suffisante, élément-clé pour la reprise des affaires économiques, ne devrait en aucun cas, nourrir les pressions inflationnistes.
Dans son cahier revendicatif pour la rentrée économique, la Confédération marocaine des TPME a mis le doigt sur le problème du financement dans un contexte des plus hostiles. Face à une hausse sans précédent des intrants, la montée des délais de paiement suite aux problèmes de trésorerie, les petites et moyennes entreprises ont du mal à joindre les deux bouts et honorer ainsi leurs engagements.
Face à un tel constat, deux questions se posent : comment a évolué la rubrique crédit au cours des premiers mois de l’année en cours ? Quel est le profil des politiques de financement mises en œuvre par les pouvoirs publics ?
En effet, l’analyse des données telles que publiées par la Banque Centrale montre qu’à fin avril 2023, la monnaie fiduciaire a affiché une hausse de 12,2% par rapport à la même période de l’exercice 2022.
Cette hausse dans la demande du cash s’accompagne d’un gonflement des dépôts à vue logés sur les comptes des banques commerciales (une hausse de 9,2% à fin avril 2023), et une évolution contrastée des différents composantes de l’épargne liquide. Ainsi, si le produit des ‘’Comptes d’épargne’’ enregistre une hausse en nette accélération, le contenu de la rubrique « comptes à terme et bons de caisse» est en net repli soit une baisse de 6,9% à fin avril 2023.
Ceci dénote d’un fort engouement pour le cash et les dépôts à vue pour faire face aux difficultés conjoncturelles rencontrées par les opérateurs. Dans un contexte malmené par les crises, les épargnants ont joué la carte de la prudence en privilégiant le court terme (dépôts à vue et comptes d’épargne). Mais quid des autres composantes de la masse monétaire, en l’occurrence les crédits à l’économie ?
Les statistiques publiées par BAM montrent que les crédits bancaires qui profitent, dans leur grande majorité, au secteur non financier, leur encours a enregistré une hausse accélérée de 5,6% en glissement annuel pour s’établir à fin avril de l’année en cours à 1.035 Mds de DH correspondant à un flux additionnel d’environ 54,9 Mds de DH contre 29,9 Mds de DH un an plus tôt.
Dans l’ordre décroissant, ces financements profitent respectivement au secteur privé (entreprises privées, particuliers et MRE, et entrepreneurs individuels) et dans une moindre mesure aux entreprises publiques. Les parts sont respectivement d’environ 80% pour le secteur productif privé contre quelque 5% pour les sociétés publiques.
Autre constat et pas des moindres est que les fonds mobilisés par le secteur bancaire ont servi dans l’ordre décroissant à faire face aux besoins de trésorerie et au financement de l’immobilier qui s’accapare la part léonine comparativement aux autres activités (équipement, consommation et promoteurs) qui accusent un net recul.
L’analyse des indicateurs ne devrait pas sous silence le comportement des créances en souffrance (CES). L’accumulation du stock des CES atteste de la persistance des tensions financières au niveau des pans entiers du tissu économique national. A fin avril 2023, l’encours des Créances en Souffrance enregistre une hausse de 6,9% en glissement annuel pour s’établir à plus de 88,8 Mds de DH.
BAM marque une pause
Selon les projections de BAM, le taux d’accroissement du crédit aux Sociétés non financières devrait rester modéré au cours de la période 2023-2024. Tenant compte de l’évolution de l’activité économique et des anticipations du système bancaire, le crédit bancaire devrait progresser de 3,7% en 2023 et de 4,4% en 2024. Cette modération dans la distribution des crédits bancaires trouve son explication dans le contexte particulier de cette année caractérisée par une faible progression du PIB couplée à une hausse préoccupante des prix dont le seuil avoisinerait les 6% en 2023-2024.
Au regard de ces évolutions et en prenant en compte les délais de transmission de ses décisions à l’économie réelle, le Conseil de BAM a décidé lors du dernier Conseil, après trois hausses successives du taux directeur d’un total de 150 points de base, de marquer une pause dans le cycle de resserrement de la politique monétaire, maintenant ainsi le taux directeur inchangé à 3%.
D’après les scénarios de la Banque Centrale, l’inflation devrait atteindre 6,2% pour l’ensemble de cette année avant de décélérer à 3,8% en 2024.