Ecrit par S. Es-Siari |
Au fil des ans, l’écart entre le taux d’investissement et celui de l’épargne nationale ne fait que se creuser. Si l’investissement a du mal à être productif et contribuer positivement à la croissance, il fait par ailleurs face à une épargne nationale insuffisante. Les crises se succédant ont davantage détérioré la situation.
A l’instar des autres économies même les plus fortes, l’économie nationale a été brutalement secouée par les deux crises récentes qui se sont succédé. La crise sanitaire n’avait pas encore dit son dernier mot qu’une nouvelle crise liée à la géopolitique a éclaté brisant les autres morceaux épargnés. Les deux crises ont sévèrement mis sous pression les indicateurs macroéconomiques altérant au passage les capacités de financement des économies.
Le Maroc, dont l’économie est lourdement pénalisée par les coûts d’importation, notamment dans un contexte inflationniste, déploie ces dernières années d’importants efforts pour assurer sa souveraineté énergétique, sanitaire et alimentaire.
En attendant, des agrégats n’arrivent toujours pas atteindre les seuils tolérables pour que le Maroc entre de plain pied dans le cercle des pays émergents.
Dans un contexte empreint de nombreuses incertitudes, le flux net des IDE est passé de 9.189 MDH à fin mai 2022 à 6.659 MDH à fin mai 2023, soit une baisse de 27,5%. C’est ce qui ressort des indicateurs mensuels publiés par l’Office des changes à fin mai 2023.
Au niveau national, l’investissement brut (formation brute de capital fixe, variation des stocks et acquisition nette d’objets de valeurs) continue à enregistrer des baisses de son taux d’accroissement en affichant un recul de 2,6% au premier trimestre 2023 après une baisse de 6,9% au même trimestre de l’année précédente, avec une contribution négative à la croissance de 0,6 point au lieu d’une contribution négative de 1,8 points.
A noter que l’investissement brut a représenté 24% du PIB au 1er trimestre 2023 au lieu de 27,9% durant le même trimestre de l’année précédente.
Des taux similaires dans d’autres pays pour ne citer que la Turquie se soldent par des taux de croissance de 6 à 7% au moment où le Maroc réalise, bon an mal an, une croissance oscillant autour de 3 à 4%.
Et pour cause, les investissements réalisés demeurent peu productifs et sans un réel impact sur la croissance économique comme en atteste la dégradation de l’indice ICOR qui équivaut au nombre de points d’investissements nécessaires à la réalisation d’un point de croissance économique. Ce dernier n’a pas dépassé la moyenne de 9,4 entre 2000 et 2019.
Ledit indicateur pourrait se détériorer davantage avec la baisse de l’investissement brut aussi bien en volume comme susmentionné. Une autre paire de manches.
Sur un autre registre, autre indicateur affecté par la succession des crises est le taux d’épargne nationale brute.
Les derniers chiffres disponibles publiés par le HCP font montre d’épargne nationale brute en baisse à 356.129 MDH en 2022 contre 359.265 MDH en 2021 (vs 318.211 en 2020). Aussi, le taux ENB/PIB s’est-il dégradé passant de 26,4 en 2021 à 24,8 en 2022.
Sur la même période 2020-2022, on note que le taux d’investissement (FBCF/PIB) est passé de 26,2 en 2020 à 26,3 en 2021 et à 27,1 en 2022.
Il en découle ainsi que face à une hausse de l’investissement, l’épargne nationale baisse. Pour 2022, nous avons un taux d’épargne de 24,8 face à un taux d’investissement de 27,1. Cela conduit bien entendu à un creusement du besoin de financement. Le besoin de financement/PIB est passé de -1,2 en 2020 à -2,3 en 2021 et -3,5 en 2022.
En attendant les indicateurs relatifs à l’exercice 2023, ceux publiés au premier trimestre de l’année en cours, cités en haut, n’augurent aucun changement. Autrement dit, l’année 2023 pourrait s’inscrire sur la même tendance.
Pour se défaire d’un tel scénario, le Maroc est appelé à revoir sa stratégie d’investissement. C’est d’ailleurs l’une des raisons ayant conduit à l’adoption de la nouvelle charte de l’investissement. Mais pas que. Il est également impératif de booster l’épargne nationale à travers la mise en place de nouveaux mécanismes et de nouveaux produits attrayants à fiscalité avantageuse.
Sans satisfaire à de tels préalables, il serait difficile de prétende à un statut de pays émergent et de relever les défis futurs liés à la mondialisation.
Le Maroc a devant lui un mur d’investissement aussi bien en matière d’éducation, de santé, de décarbonation… et ne peut ainsi continuer à s’endetter à tour de bras au risque de prendre en otage les générations futures.