Les sources de financements verts fleurissent à travers le monde, pourtant le Maroc n’en capte que très peu alors que ses besoins en financement sont immenses. Plus que la réalisation de ses objectifs climatiques, l’enjeu pour le pays est d’en faire un moyen de relance et de compétitivité.
A l’heure où le Maroc doit combler un gouffre de 60 milliards de DH annuellement pour réaliser ses objectifs climatiques (14 Mds de DH investis annuellement contre un besoin réel de 74 Mds de DH), il passe à côté d’importantes sources de financements verts l’heure où il est à l’affût des moyens de financer la relance économique. Et surtout dans un monde qui se tourne de plus en plus vers une économie durable.
Le cas du programme villes vertes de la BERD lancé en 2016 avec 250 millions d’euros est un exemple parmi d’autres.
Le programme a bénéficié en 2018 de 700 millions d’euros supplémentaires en plus de 87 millions d’euros du Fonds vert pour le climat.
La BERD vient d’annoncer que ce programme doublera de taille avec 950 millions d’euros supplémentaires pour les trois prochaines années.
Le programme déployé dans 43 villes de 22 pays, avec 1,5 milliard d’euros engagés, verra son enveloppe dépasser les 2 milliards d’euros pour profiter à 100 villes d’ici 2024.
Il accompagne les cités vers une transition soutenable et durable.
Aucune ville marocaine ne figure parmi elles !
Et pourtant, les candidates pour un tel accompagnement ne manquent pas pour ne citer que la ville de Marrakech qui a abrité la Cop 22 ou encore la ville de Rabat.
Au-delà de l’enveloppe allouée à ce programme, l’idée sous-jacente est des plus pertinentes. En effet, partant du fait que les villes du monde entier sont à l’origine d’au moins les trois quarts des émissions, elles deviennent de fait le point de départ essentiel pour lutter contre le changement climatique.
Ainsi, à travers son programme Villes vertes ou Green cities, la BERD offre un soutien tangible pour aider les villes à résoudre leurs problèmes environnementaux et à améliorer la qualité de vie de leurs habitants.
En effet, toutes les villes participantes se lancent dans un projet déclencheur pour améliorer leur environnement local puis, avec l’aide de la BERD, travaillent sur un plan d’action pour une ville verte (GCAP) pour créer une liste sur mesure d’autres investissements environnementaux et des actions politiques les plus appropriées pour relever leurs défis environnementaux.
Le programme apporte également une contribution majeure à la lutte contre le changement climatique notamment à la réalisation de l’objectif de l’Accord de Paris de 2015 consistant à maintenir la hausse de la température mondiale en dessous de 2 ° C.
Et ce à travers la réduction des émissions des bâtiments, l’augmentation de l’efficacité des transports et la réorientation de l’approvisionnement en électricité pour qu’il provienne principalement de sources renouvelables.
Pourquoi pas une obligation souveraine verte
Le recours aux obligations vertes ou green bonds dans notre pays reste très embryonnaire et principalement axé sur le marché national. A ce jour, les opérations constituant l’historique marocain en la matière 4 année après la Cop 22 organisée à Marrakech, se comptent sur les doigts.
D’abord l’émission, réalisée par Morrocan Agency for Sustainable Energy (MASEN) en novembre 2016 sur le marché marocain pour lever 1.150 MDH pour financer des projets solaires de Noor Laayoune, Noor Boujdour et Noor Ouarzazate IV. Depuis avril 2019, Masen affichait sa volonté de réaliser une deuxième opération d’émission d’obligations vertes pour financer ses projets futurs.
S’ensuite l’émission obligataire de 500 MDH lancée par Bank of Africa pour financer des projets liés à la production de l’énergie renouvelable ou de l’amélioration de l’efficacité énergétique.
Dans la foulée de la COP 22, Attijariwafa bank annonce la création du fonds africain d’efficacité énergétique avec un capital de 20 millions d’euros. Fonds dont on ignore actuellement le bilan, 4 ans après sa création.
Autre opération est celle réalisée par la BCP en juin 2017 pour lever 135 millions d’euros pour refinancer des projets en énergie renouvelable Marocains ayant des avantages environnementaux visant notamment à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
En septembre 2018, CFC émet un green bond d’une valeur 335 millions de dirhams par le biais d’un placement privé.
On notera également, l’émission d’obligations sociales et green bonds de 500 MDH réalisée par Al Omrane en novembre 2018 pour financer des projets à impact économique, social et environnemental.
Autant dire que le bilan est maigre face au potentiel qu’offrent les green bonds surtout à l’international.
En effet, quelque 200 milliards de dollars d’obligations vertes ont été émises dans le monde au cours des neuf premiers mois de l’année, soit une augmentation de 12% par rapport à 2019.
Le Maroc doit d’ailleurs prendre l’exemple de l’Egypte qui a émis fin septembre sa première obligation verte souveraine – la première dans la région MENA d’un montant de 750 millions de dollars sur cinq ans, et qui a suscité un intérêt significatif d’investisseurs de l’Europe et des États-Unis.
Fonds vert pour le climat, 253 millions d’euros c’est bien mais c’est peu
En octobre 2020, il a été annoncé que 253 millions d’euros de financement vert seront mis à disposition par les institutions financières locales, dans le cadre de l’action de la BERD, l’UE, le Fonds Vert pour le Climat (FVC)et la Corée du Sud en faveur du climat au Maroc pour des lignes de financement destinées à des centaines d’entreprises privées marocaines.
C’est bien mais c’est peu lorsqu’on sait qu’en 2017, la BERD et le FVC ont apporté une contribution majeure d’un milliard de dollars à un projet d’énergie renouvelable en Égypte.
On peut se demander dès lors pourquoi le Maroc ne peut pas coopter plus de ressources ? Qu’est ce qui cloche? Qualité des projets ? Problème de gouvernance ? Multitude d’interlocuteurs ? Absence d’une action groupée ?
En tout cas, il y a certainement des efforts à faire pour tirer le maximum de ressources pour soutenir des projets verts et compétitifs à la fois, aussi bien dans le secteur public que privé.
Et la liste des sources de financements verts est loin d’être exhaustive !
Panorama des financements verts, un début de solution ?
Ce 4 novembre, la Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG) et l’Agence Française de Développement (AFD) ont présenté la version intermédiaire du premier panorama des financements climat au Maroc, dont la version finale sera prête début 2021.
Ce panorama dresse un inventaire des investissements, d’atténuation et d’adaptation, déployés par secteur, leurs sources de financement respectives et fait ressortir les écarts à combler pour atteindre les objectifs finaux. Il aide ainsi les décideurs publics à penser les actions d’ajustement et à mesurer l’ampleur des financements à mobiliser.
Il s’agit d’une bonne initiative qui permet de dynamiser, de manière organisée, l’action climat au Maroc et en améliorer la gouvernance.
Une première réponse face à la multitude de projets, de sources de financements et d’acteurs marocains aussi bien publics que privés sur ce secteur devenu vital.
En effet, en plus de relancer la machine économique après le blackout de la covid-19, le Maroc s’étant fixé des objectifs environnementaux ambitieux, ne doit pas perdre de vue la transformation de l’économie mondiale vers plus de durabilité avec des normes environnementales de plus en plus contraignantes.
Il en a fallu d’ailleurs d’un rappel à l’ordre royal pour mener de manière plus efficiente la stratégie des énergies renouvelables et réaliser ses objectifs dans les délais impartis.
Dans cette valse, vaut mieux mener la danse !