Ecrit par L.Boumahrou |
Bien que le gouvernement s’apprête à sortir le décret des marchés publics, force est de constater que cela ne pourrait pas mettre fin au fléau de la corruption qui continue de ronger le secteur des marchés publics. Et c’est le ministre chargé du Budget himself qui l’a affirmé. Quand l’INPPLC s’attèlera-t-elle réellement à la lutte contre la corruption dans la commande publique?
Composante fondamentale de l’activité économique, la commande publique est, depuis quelques années, un levier du développement socio-économique du pays. Une bouffée d’oxygène pour stimuler l’économie particulièrement en période de crise comme c’est le cas depuis le déclenchement de la pandémie Covid-19. En effet, les répercussions économiques de la crise sanitaire ne cessent de s’amplifier mettant sous pression des pans entiers de l’économie marocaine. Pour redynamiser la croissance, le gouvernement a alloué dans le PLF 2022 un investissement public record de l’ordre de 245 Mds de DH. Masi qui dit plus de financements, dit plus d’appétit à la corruption.
Malheureusement, la commande publique continue de souffrir de plusieurs faiblesses qui entachent sa performance et limitent son rôle de levier de développement et ce malgré les réformes du cadre règlementaire qui ont été engagées par l’Etat. Parmi ces défaillances, celle de la corruption. En effet, la passation des marchés publics reste l’une des activités gouvernementales les plus vulnérables à la corruption.
Plusieurs voix se sont levées pour dénoncer ce mal qui gangrène la gouvernance de la commande publique appelant au renforcement de l’arsenal réglementaire. Sauf que le ministre chargé du Budget, Fouzi Lakjaa, a récemment affirmé que le nouveau décret des marchés publics, qui est en phase de finalisation et qui sera incessamment présenté aux députés, ne va pas régler le problème. « La lutte contre la corruption est une conviction qui doit être inculquée voire même une culture », a-t-il précisé en appelant les députés à sensibiliser, de leur côté, les entreprises à appliquer la loi et ne plus donner de pots-de-vin.
Et d’ajouter que « le cadre réglementaire ne suffira pas pour éradiquer ce fléau des marchés publics ». Ce décret apportera certes des réformes importantes mais cela restera insuffisant pour lutter contre la corruption. Difficile donc de verrouiller tout le système. A en croire Lakjaa, la commande publique continuera à profiter aux corrupteurs et aux hors-la-loi tant que les acteurs ne se mettent pas en conformité. Résultats des courses : les règles du jeu seront biaisées au grand dam des plus honnêtes.
La question est de savoir que fait l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPPLC) pour y remédier ?
Rappelons que la Stratégie nationale de lutte contre la Corruption 2016-2025 a consacré le 7ème programme à la commande publique. Les objectifs à court, moyen et long terme étaient très ambitieux visant à renforcer la gestion de la commande publique. Sauf que nous sommes encore loin de ces objectifs. La corruption continue de ronger l’administration publique et par ricochet le marché public. Parmi les leviers fixés par l’INPPLC , la mise en place d’un Observatoire des marchés publics qui a ce jour, soit 5 ans plus tard, n’a pas vu le jour.
Intervenant à la 9ème Conférence des Etats parties à la Convention des Nations unies contre la corruption, le président de INPPLC, Mohamed Bachir El Bouhali, a déclaré qu’après une évaluation objective de ladite stratégie il a été décidé de renforcer ses structures et ses orientations pour inclure à partir de 2022 plusieurs priorités, notamment la transformation numérique, aux contrôles, aux commandes publiques et à la probité du secteur privé. En d’autres termes, la commande publique figurera parmi les priorités de l’Instance à partir de 2022. Ceci permettra-t-il d’améliorer la gouvernance de la commande publique ? Cette fois sera-t-elle la bonne ?
En tout cas, il faudra attendre pour voir si l’amélioration de l’arsenal réglementaire conjugué au renforcement de l’importance accordée par l’Instance à la commande publique vont permettre d’éradiquer, une fois pour toute, ce fléau.