Il y a eu un petit creux d’activité hier sur les marchés boursiers, peut-être somnolents à cause de la fermeture de nombreuses places asiatiques. Cela n’a pas empêché l’Europe boursière de revenir sur ses records, en attendant la publication cet après-midi de l’inflation américaine de janvier.
Les actions technologiques américaines ont subi leur première baisse en quatre séances hier, ce qui a écrêté le record touché vendredi soir par le S&P500 et le Nasdaq. Mais il ne faut pas s’y tromper : les investisseurs restent aimantés par les promesses de l’intelligence artificielle.
Pour diversifier leurs paris sur Nvidia, ils se sont d’abord rués sur Super Micro Computer, qui continue d’ailleurs à grimper. Cette société, initialement un vulgaire assembleur de trucs électroniques à marges plancher, est passée en trois ans du poids boursier de TF1 (1,8 Md$) à celui de STMicroelectronics (41 Mds$).
La nouvelle marotte du marché s’appelle ARM Holdings. Le britannique était entré en bourse à New York l’année dernière pour permettre à son propriétaire, Softbank, de monétiser son acquisition passée. Les technologies d’ARM sont présentes partout dans les smartphones, ce qui n’avait pas tellement fait vibrer le marché à l’époque de l’IPO. Mais dès qu’ARM a renforcé l’utilisation du terme « intelligence artificielle » dans sa communication, le cerveau reptilien des financiers a pris le relais. L’action a désormais triplé six mois après son arrivée en bourse.
Pour reprendre l’image un peu absurde précédente, elle est quasiment passée de la capitalisation de Kering (54 Mds$) à celle de TotalEnergies(156 Mds$) en quelques mois. En attendant la prochaine star, ARM a encore gagné 29% hier. N’importe quoi, mais le FOMO (Fear Of Missing Out, la fébrilité d’être nul et ridicule en manquant le mouvement) de l’IA est surpuissant actuellement.
Les indices européens sont un peu loin de toute cette fureur, faute de combattants malheureusement. Mais ils ont tous progressé hier. Au point de rester au contact de leurs records. Le DAX allemand autour des 17 000 points et le CAC40 français à portée des 7700 points, encore jamais atteints en clôture.
Tout se passe donc plutôt bien en dépit des incertitudes sur les politiques monétaires, dont les trajectoires vont faire leur retour dans l’actualité aujourd’hui avec la publication des derniers chiffres de l’inflation (CPI) aux Etats-Unis. Les économistes s’attendent à ce que la hausse des prix à la consommation passe sous la barre de 3% en janvier pour la première fois depuis près de trois ans. Le ralentissement de la surchauffe devrait s’appuyer sur la modération de l’évolution des loyers et sur la baisse plus franche du prix des véhicules d’occasion et de l’hébergement.
Pour les amateurs de chiffres, les attentes sont à 2,9% pour l’inflation classique sur un an, et 0,2% sur un mois. L’inflation de base (core inflation) devrait ressortir à 3,7% sur un an et 0,3% sur un mois. Le diable se cachera dans les détails, une fois de plus. Ou dans les commentaires d’économistes. Une analyse de Citigroup tourne beaucoup depuis hier, parce qu’elle est construite sur le mode « Avec votre cervelle de bulot, vous avez oublié ce qu’il s’est passé en… » (choisir l’année). L’investisseur adore être rappelé à l’ordre avec de vieilles histoires.
En l’occurrence, une histoire de 1998 (mais pas celle du 12 juillet 1998 au soir, quand j’ai fini tout nu dans la mer Méditerranée pour des raisons qui n’avaient rien à voir avec la finance). En 1998, la Fed avait procédé à un cycle d’assouplissement bref avant de relancer des hausses de taux parce que l’inflation était repartie. « Le marché devrait intégrer un certain risque de hausses futures, ce qui s’est passé en 1998« , avertit Citigroup. Quelle est la probabilité ? Sans doute un peu supérieure à celle de me voir à nouveau tout nu dans la Méditerranée.
Ce matin, c’est Tokyo qui crée l’animation après un weekend à rallonge. Le Nikkei 225 est à nouveau on fire avec une flambée de 3% tirée par la baisse du yen et les envolées de Softbank Group et Tokyo Electron. Softbank détient 90% du capital d’ARM Holdings, ce qui en fait un proxy intéressant pour jouer l’essor de l’intelligence artificielle. Softbank Group qui pèse d’ailleurs désormais deux fois moins que sa filiale.
Tokyo Electron est une sorte d’ASML en version japonaise : c’est le plus gros fabricant asiatique de machines de production de semiconducteurs. Le titre s’embrase de 14% ce matin après des résultats élevés et de très bonnes perspectives. Ailleurs en Asie, beaucoup de places sont encore fermées pour le nouvel an lunaire (Shanghai, Hong Kong, Taipei notamment). La Corée du Sud, qui était close hier comme le Japon, reprend en hausse de 1%. L’Inde rebondit de 0,5%, pendant que l’Australie peine encore, en baisse de 0,1%.
Outre l’inflation américaine, le marché a donc quelques résultats à se mettre sous la dent. Michelin hier, Tokyo Electron ce matin, Coca-Cola et Biogen un peu plus tard aux Etats-Unis. Plus une myriade d’autres entreprises plus petites. Il faut aussi noter l’incursion du bitcoin à 50 000 USD l’unité. La cryptomonnaie est friponne : elle avait boudé l’annonce des premiers ETF qui la ciblaient directement, alors que le marché s’attendait à un feu d’artifice. (Avec Zonebourse)