Lors du précédent entretien, nous avons interrogé Omar Bakkou au sujet du contenu de la règlementation des changes en vigueur au Maroc. Les réponses apportées par O. Bakkou à nos interrogations nous ont permis de comprendre que cette règlementation s’articule autour de deux principaux piliers.
Le premier pilier est celui législatif et réglementaire dans lequel sont posés les principes généraux et les règles de base. Quant au second pilier, il s’agit de celui opérationnel qui contient les dispositions opérationnelles.
Ces deux piliers requièrent pour une meilleure appréhension de leur consistance, de mettre le focus sur le contenu de chacun d’eux. Ce but fera ainsi du présent entretien.
EcoActu.ma : En quoi consistent les dispositions législatives et règlementaires régissant les opérations de change ?
Omar Bakkou : Comme je l’ai mentionné dans le précédent entretien, les textes législatifs et règlementaires régissant les opérations de change visent en définitive à mettre en œuvre un modèle de « marché des changes de type administré ».
Ce modèle requiert , pour sa mise en œuvre, la conception de textes règlementaires fondés sur un principe fondamental.
Ce principe consiste à assujettir les deux paramètres fondamentaux du marché des changes (la demande et l’offre) au contrôle de l’Etat.
Ce contrôle s’opère à travers la soumission à l’autorisation de l’Etat de ces deux paramètres :
- la demande de devises : les achats de devises, c’est-à-dire les opérations de conversion du dirham en devises.
- l’offre de devises : la non cession de devises à l’Etat par les personnes qui les détiennent, c’est-à-dire la non conversion de devises en dirhams.
Mais à notre connaissance, les textes législatifs et règlementaires régissant « le marché des changes » englobent d’autres principes que ceux présentés ci-dessus !
Oui effectivement, mais c’est de « la broderie » autour de ces deux principes.
En effet, ces textes soumettent à l’autorisation de l’Etat d’autres opérations subséquentes aux deux opérations précitées.
Pourriez-vous nous donner quelques exemples de ces opérations subséquentes ?
La liste de ces opérations est très longue : les transferts de fonds à destination de l’étranger, l’exportation matérielle de toute valeur économique (billets de banque, chèques, titre de créance, etc.), l’acquisition d’avoirs (mobiliers ou immobiliers) situés en dehors du Maroc, etc.
Pourquoi la règlementation des changes dresse une longue liste de ces opérations subséquentes, est ce que les deux principes fondamentaux ne sont pas suffisants ?
Le fait que la règlementation des changes dresse cette liste demeure cohérent avec la logique de base de cette réglementation.
En effet, dans le cas où la règlementation des changes n’aurait pas intégré explicitement par exemple les transferts de fonds dans son champ, cela aurait pour conséquence de vider cette règlementation de sa substance.
Cela en raison de ce que certaines personnes peuvent par exemple acheter des devises sur le marché des changes informel et les transférer à l’étranger à travers les banques marocaines.
La même logique s’applique à l’exportation matérielle de valeurs économiques.
Maintenant que le contenu de ce premier pilier de la règlementation des changes est clair, quid du second pilier ?
Les principes généraux édictées par la règlementation des changes présentés ci-dessus ont pour objectif de veiller à la mise en place d’un marché des changes contrôlé.
Ce contrôle s’opère à travers la soumission à l’autorisation de l’Office des Changes des opérations d’achat et de vente de devises.
Ces autorisations accordées au cas par cas (autorisations particulières) ont commencé progressivement à prendre la forme d’autorisations accordées à toutes les entités(autorisations générales).
Ces autorisations sont regroupées dans un texte fondamental appelé « Instruction Générale des Opérations de Change ».
Ces autorisations générales se fondent-t-elles sur une assise juridique ?
Oui bien sûr, les autorisations générales précitées sont éditées par Instruction du Directeur de l’Office des Changes.
Cette instruction se fonde sur une assise juridique, notamment le Dahir du 30 Aout 1949.
Ce Dahir intègre ces instructions parmi les textes faisant partie de la règlementation des changes.
Si on comprend bien l’instruction Générale des Opérations de Change serait un recueil des autorisations générales précitées, n’est-ce pas ?
Oui effectivement, l’Instruction Générale des Opérations de Change regroupe les autorisations générales relatives aux opérations d’achat et de vente de devises.
Ces autorisations concernent généralement les opérations d’achat de devises accordées pour la réalisation de diverses transactions économiques.
Ces transactions concernent notamment les importations de marchandises et de services, les investissements étrangers, les investissements à l’étranger, etc.
Mais à la lecture de l’Instruction Générale des Opérations de change, l’on constate que cette instruction réglemente également les opérations de transfert de fonds à destination de l’étranger, l’exportation matérielle de valeurs économiques, etc. !
Oui effectivement comme je l’ai indiqué ci-dessus, l’Instruction Générale des Opérations de Change accorde des autorisations générales pour toutes les opérations subséquentes à la détention et à l’utilisation des devises.
Ces opérations englobent notamment les transferts de fonds à l’étranger, l’exportation matérielle des moyens de paiement, ainsi que d’autres opérations.
Pourquoi ?
Tout simplement pour des raisons de cohérence.
En effet, la personne bénéficiant d’ une autorisation d’achat de devises aura besoin nécessairement de transférer l’argent à l’étranger pour la réalisation de la transaction objet de l’acquisition de devises.
Pourriez-vous étayer cela par un exemple concret ?
Par exemple, si l’autorisation d’achat de devises a été accordée pour la réalisation d’une importation de marchandises, il va falloir également autoriser l’importateur à transférer l’argent en faveur du fournisseur étranger