Aux effets dévastateurs de la crise sanitaire qui a pratiquement paralysé les flux commerciaux dans les campagnes s’est ajoutée la sévérité du climat et son incidence sur les principales spéculations. La relance post-pandémie ne saurait être assurée sans un monde agricole développé. L’heure du changement de paradigme a sonné.
Chaque jour qui passe, nous sommes quasiment sûrs qu’il y aura un après Corona. Cette crise sanitaire inédite a mis en exergue le danger de certaines lacunes ou défaillances laissées au temps de les combler. Si auparavant, les pouvoirs publics pouvaient colmater les brèches pour remédier un tant soit peu à ces défaillances ou lacunes, la situation d’aujourd’hui est fort différente.
Conscients de cette situation, les conjoncturistes ont fait le focus sur le monde rural pour attirer l’attention sur les dangers qui le guettent à l’ère de la Covid-19.
En effet, force est de rappeler que le monde rural a souffert doublement tout au long de l’épisode épidémique. Aux effets dévastateurs de la crise sanitaire qui a pratiquement paralysé les flux commerciaux dans les campagnes s’est ajoutée la sévérité du climat et son incidence sur les principales spéculations.
« En dehors des cultures céréalières qui ont été durement affectées par la sécheresse, les évaluations de la production agricole au terme du premier semestre montrent cependant une certaine résilience du secteur qui a permis d’approvisionner de façon régulière les marchés et répondre à la demande intérieure en produits alimentaires de base », font savoir les analystes du CMC. Et d’enchaîner : « S’il est une leçon à tirer de l’épisode épidémique, c’est qu’il devient absolument nécessaire de se prévaloir à l’avenir d’un certain degré de résilience face aux chocs de toute nature ».
La baisse de la valeur ajoutée agricole dans un contexte de crise sanitaire n’est pas exempte d’impact sur les catégories notamment défavorisées qui suffoquent à cause d’une baisse drastique de leurs revenus. Pis encore, cette frange de la population pourrait basculer facilement sous le seuil de la pauvreté faisant creuser davantage le fossé entre le milieu rural et celui urbain. Un écart qui pourrait anéantir les efforts déployés par les autorités publiques pour assurer la convergence des niveaux de vie entre les deux milieux. D’où la nécessité de mieux orienter les dépenses publiques vers les compagnes.
En matière d’emploi, rien qu’en tablant sur une hausse de 5,6 point du taux de chômage à 14,8%, le CMC estime que le monde rural serait le plus affecté. A ce titre, il rappelle que la campagne contribue en moyenne pour 40% à l’emploi total. Aussi, dans un contexte marqué par une sécheresse sévère, c’est la population active qui sera le plus affectée.
La stratégie de développement agricole devrait à l’avenir œuvrer pour la convergence du monde rural vers les standards du milieu urbain en termes de revenus, d’emploi, de niveau de vie et d’inclusion. Un tel objectif ne devrait pas perdre de vue, dans le nouveau contexte post-épidémique, l’impératif de sécurité alimentaire.
Valeur aujourd’hui, le Maroc n’arrive toujours pas à assurer son autosuffisance alimentaire. La production locale de certains produits ne couvre pas les besoins aussi bien en ce qui concerne la consommation finale que la transformation. D’après le CMC, le déficit de production pour les principaux produits d’alimentation atteint en moyenne 35% pour les céréales, 53% pour le sucre, 65% pour les huiles alimentaires et 10% pour les produits laitiers. Interrogé sur l’effet de la pandémie sur l’autosuffisance alimentaire, l’économiste Najb Akesbi, annonce : «Pour répondre aux besoins de consommation des Marocains, nous sommes encore acculés à importer 50 à 60% de nos besoins en blé tendre et en sucre, la totalité de nos besoins en maïs (principal intrant pour la production de la viande blanche), la quasi-totalité de nos besoins en huiles de graines… Et comme un malheur ne vient jamais seul, « l’année corona » est aussi une année de sécheresse, ce qui conduit à une chute de la production (les prévisions annoncent une production de blé presque de moitié inférieure à celle d’une année moyenne), et partant génère un besoin d’importation encore plus massif.
Mieux encore, il est même judicieux d’intégrer dans la stratégie, la promotion des activités para-agricoles, voire des activités en dehors de l’agriculture telles que le commerce, l’artisanat, les services… Des activités à même de diversifier les sources de revenus et, partant, réduire la dépendance aux activités primaires.
Lire également : La production céréalière de la campagne 2019-2020 en baisse de 57%
1 comment
Merci S. Es Siari pour votre cri d’alarme quant à la situation du monde agricole et rural. Comment voulez vous développer une province ou une région agricole et rurale avec un système d’éducation tel que celui qui existe?
Allez y faire un tour dans certaines provinces où le taux de pauvreté est relativement élevé avant cette crise sanitaire doublée d’une sécheresse dont nous accuserons les conséquences dans les mois et les années à venir.
Allez voir l’état les écoles de formation des techniciens et des ingénieurs pour le secteur de l’agriculture, et enquêtez sur la qualité actuelle de ces cadres. Je n’ai pas d’éléments d’information fiables mais les enseignants responsables vous parleront des problèmes qu’il faudrait d’urgence régler.