Ecrit par Lamiae Boumahrou I
Plus que 2 jours pour que les cloches de la nouvelle année 2024 sonnent marquant ainsi la fin d’une année mouvementée à plusieurs titres. 2023 s’apprête à plier ses bagages pour laisser place à une année que nous espérons meilleure bien que les indicateurs en disent le contraire. Mais avant les adieux, il doit bien falloir rendre des comptes en établissant le bilan gouvernemental de l’exercice 2023 aussi bien sur le plan économique, social, politique, réglementaire…
Sur le plan social, le gouvernement s’était engagé dans le cadre de la LF 2023 à consolider les fondements de l’État social à travers la continuité du chantier de la protection sociale, parallèlement à la mise à niveau de l’offre de soins, la continuité de la réforme du système éducatif et le soutien du pouvoir d’achat des citoyens. 2023 devait être l’année de la perception, sur le terrain, des mesures sociales prises l’Exécutif comme l’avait souligné la ministre des Finances dans son mot de présentation du PLF 2023 devant les 2 chambres.
Concernant la généralisation de la protection sociale, tournant important pour la promotion de la justice sociale et spatiale et la préservation de la dignité des citoyens, le chantier avance bien.
En effet, le premier volet de chantier social a été bouclé avec succès dans les délais à savoir fin 2022 avec le basculement des ramedistes vers l’AMO Tadamon et l’intégration des Travailleurs non-salariés (TNS).
Rappelons que pour l’AMO Tadamon, le gouvernement a mobilisé une enveloppe de 9,5 Mds de DH dans le cadre de la LF2023. Aussi, 4,6 Mds de DH supplémentaire ont été prévus pour la mise à niveau du système de santé national.
Malheureusement, sur ce point, il y a encore du chemin à faire. L’offre de soins n’est toujours pas à la hauteur des attentes. Comme déjà soulevé dans un précédent article, bien que le gouvernement ait fait des avancées en matière d’arsenal réglementaire et juridique avec l’adoption des textes de loi ainsi que des textes d’application, sur le plan de la mise en œuvre il piétine encore.
C’est le cas de la mise à niveau de l’offre de santé et de l’amélioration de la qualité des soins qui restent des indicateurs fondamentaux de la généralisation de la couverture sanitaire.
En mars (derniers chiffres dont nous disposons), nous annoncions que les ex-ramédistes affluaient vers le secteur privé avec 1,36 Md de DH déboursés contre 28,57 MDH dans le public en seulement 4 mois. Ce chiffre doit être certainement plus important. La raison, sans doute, la rapidité de la prise en charge, la qualité des soins, la disponibilité…
Une tendance qui est pourtant à l’encontre de l’objectif de l’Etat qui est de drainer davantage de Marocains vers le secteur public. Il est vrai que des efforts ont été fournis mais restent insuffisants. D’où l’impératif d’accélérer la cadence de mise à niveau de l’existant mais aussi d’étoffer l’offre de soins dans les zones toujours enclavées pour permettre au pôle public de la santé de jouer le rôle qui lui incombe.
Concernant, le Registre national de la population (RNP) et le Registre social unifié (RSU), ces 2 chantiers d’envergure de la protection sociale ont été menés avec succès. Il s’agit de deux mécanismes qui constituent la base pour assurer un accès aux programmes d’appui social et renforcer leur efficacité, les pouvoirs publics ont relevé le défi.
C’est d’ailleurs ce qui a permis au gouvernement de lancer le programme d’aide sociale directe en début décembre. Un programme qui permettra à 60% de la population non couverte par la couverture par les régimes de sécurité sociale de bénéficier d’un soutien financier mensuel. Ainsi à partir du 28 décembre, environ un million de familles, répondant au seuil requis du registre social unifié, soit l’équivalent de 3,5 millions de Marocains, bénéficieront de la première tranche de ce soutien financier, dont la valeur ne sera pas inférieure à 500 DH par famille, quelle que soit sa composition.
Le reste des familles qui ont déposé leur dossier après le 10 décembre recevront les versements de décembre et janvier à la fin du mois prochain.
Réforme de l’enseignement : vive tension entre gouvernement et enseignants
Autre chantier et pas des moindres celui de la réforme de l’enseignement. Le gouvernement avait poursuivi le chantier de la réforme. Mais c’était sans compter avec le mouvement de protestations qui a paralysé le secteur de l’enseignement depuis plus de 3 mois. Le gouvernement a été mis sous pression par le corps enseignant pour retirer le statut de l’enseignant. Ni l’augmentation des salaires, ni les promesses du gouvernement n’ont parvenues à calmer les ardeurs. Le gouvernement a toutefois cédé aux revendications en signant ce 26 décembre un procès-verbal de l’accord sur le statut des fonctionnaires du secteur de l’éducation nationale.
Il s’agit d’un accord convenu entre la commission ministérielle tripartite et les représentants des syndicats de l’enseignement les plus représentatifs sur les amendements liés aux aspects éducatif et financier des fonctionnaires du secteur de l’enseignement, en vue de mettre en œuvre la feuille de route de la réforme de l’école publique dans le cadre de la dynamique gouvernementale qui place l’élève au centre du processus de réforme. Est-ce la fin du calvaire des grèves qui ont pénalisé les enfants et compromis l’année scolaire 2023-2024 ?
Rien n’est sûr étant donné que la Coordination nationale des enseignants a annoncé le rejet des résultats de cet accord.Ce qui est certain c’est que nous sommes encore loin de la réforme de l’éducation qui est pourtant un pilier fondamental de l’Etat social.
Ceci dit, certes l’année s’achève sur une note positive avec le lancement effectif de l’aide sociale directe, mais beaucoup reste à faire pour atteindre l’objectif d’un vrai Etat social. Plus qu’une vision, une stratégie, une réforme ou un programme, c’est une forte volonté et un courage politique qui sont nécessaires pour faire bouger les lignes, pour lutter contre la rente et la corruption, ces deux fléaux pour mettre fin aux conflits d’intérêts, pour garantir aux citoyens Marocains une vie décente, pour garantir les droits constitutionnels d’accès à l’éducation, à la santé, au logement…, et pour garantir une vraie justice sociale sur tous les plans.
En tournant la page de l’année 2023, nous espérons que 2024 sera celle du tournant majeur dont rêve tout un chacun, celle de la concrétisation des réformes qui traînent et celle de l’inscription de notre pays dans une trajectoire qui lui permettra réellement de rentrer dans le cercle des pays émergents.