Cet article présente la première estimation publiée de la consommation d’énergie primaire et de la production d’électricité pour 2023 et des probables impacts en termes d’émissions de gaz à effet de serre (GES).
En 2023, la consommation des carburants blancs (gasoil et super) devraient reprendre sa progression « normale » après une année 2022 marquée par une régression due à la hausse des prix[1]. Avec le retour de l’alimentation régulière des centrales aux gaz naturel1, [2], la consommation de fuel va connaître une baisse très importante et la consommation de charbon devrait retourner à son évolution « normale », ce qui signifie gommer leur pointe de consommation de 2022. Même si la production d’hydroélectricité devait encore se tasser, la production d’électricité renouvelable devrait pouvoir subir une croissance substantielle grâce :
- au retour à la normale de la production du complexe solaire de Ouarzazate[3],
- à la mise en service des 295,8 MW du parc éolien au Nord-Est de Boujdour durant le deuxième semestre de 2023,
- mais aussi à la mise en service des 269,7 MW du parc éolien de Jbel Lahdid au Nord-Est de Essaouira vers la fin de l’année 2023.La demande en électricité nette appelée ne devrait pas subir de changements majeurs et pourrait même subir un très léger recul de par le fait d’une stagnation des livraisons de l’ONEE et des gains de rendements induits par une réalimentation de proximité « normale » des CGSS du Nord du Maroc après la mise en service de 87,2 MW du Parc Éolien de Taza et le fonctionnement à plein régime des 120,9 MW des trois centrales solaires du projet Noor Tafilalet (Erfoud, Missour et Zagora).
Besoins en énergie primaire et émissions de GES associées
La Figure 1 montre deux schémas synoptiques résumant la consommation d’énergie primaire de 2022 et celle prévue pour 2023 ainsi que les émissions de gaz à effet de serre qui en résultent.
Figure 1 Consommation d’énergie primaire et son émission de gaz à effet de serre en 2022 et 2023
En fait, pour chacune des énergies primaires, les chiffres de la Figure 1 sont agrégés d’un traitement au niveau du détail, pas explicité ici, de la destination de chacun des produits énergétiques de l’énergie finale.
Sur le plan énergétique, l’année 2022 a été doublement contrainte par les prix des produits énergétiques ainsi que par la cessation de livraison de gaz naturel algérien. Finalement, compte tenu des récentes prévisions de croissance économique du Haut Commissariat au Plan pour 2023 et compte tenu de segmentation « atypique » de l’année 2022 en termes d’énergie, il est probable que l’augmentation de la consommation totale d’énergie primaire en 2023 se limite à 1,1%, de 23’628 Mtep (millions de tonnes d’équivalent pétrole) à 23’882 Mtep.
La Figure 1 montre que, durant 2023, la demande :
- en charbons devrait baisser de 14,0% après avoir augmenté de 6,3%,
- en produits pétroliers devrait encore augmenter de 6,4% après avoir augmenté de 5,9%,
- en gaz naturel devrait augmenter de 293% après avoir baissé de 66,4% en 2022,
- en électricité de sources renouvelables (éolien, solaire et hydraulique conventionnelle) devrait augmenter de 8,6% après avoir baissé de 9,2% en 2022.
Les émissions totales de gaz à effet de serre causées par l’énergie au Maroc accuseraient donc une très légère baisse de 1,4% de 70’961 à 69’927 Gg (Gigatonnes ou M tonnes d’équivalent CO2). Ceci méritait d’autant plus d’être souligné que, si l’on exclut l’année 2020, des baisses d’émissions de gaz à effet de serre par l’énergie ne sont produites au Maroc qu’en 2009, 2000, 1996 et 1984. En conséquence, les émissions causées par l’énergie au Maroc descendraient de 1,935 à 1,889 tonnes d’équivalent CO2 par habitant.
Production d’électricité et émissions de GES associées
La Figure 2 montre deux schémas synoptiques résumant la consommation d’énergie primaire de 2022 et celle prévue pour 2023 ainsi que les émissions de gaz à effet de serre qui en résultent.
Figure 2 Production d’électricité et son émission de gaz à effet de serre en 2022 et 2023
En fait, les chiffres de la Figure 2 sont agrégés d’un traitement au niveau du détail, pas explicité ici, de la production individuelle des centrales électriques du Maroc. Finalement, compte tenu du changement brutal du mix électrique de l’année 2022, il est probable que la production d’énergie électrique en 2023 baisse de 1,2%, de 41’410 GWh (millions de kWh) à 40’922 Mtep.
La Figure 2 montre qu’en 2023, la demande nécessaire à la production d’électricité :
- en charbons devrait baisser de 10,8% après avoir augmenté de 4,7%,
- en produits pétroliers devrait baisser de 41,7% après avoir augmenté de 247%,
- en gaz naturel devrait augmenter de 477% après avoir baissé de 78,4% en 2022,
- en électricité de sources renouvelables (éolien, solaire et hydraulique conventionnelle) devrait augmenter de 8,6% après avoir baissé de 9,2% en 2022.
Les émissions de gaz à effet de serre causées par la production d’électricité baisseraient de 8,8% de 31’004 à 28’280 Gg. Même si celles-ci ont plus que doublé en 20 ans, il est fréquent qu’elles baissent au gré du changement du mix électrique induit par la nature des nouvelles centrales mises en service. Ainsi, les émissions descendraient de 7,7% de 749 à 691 tonnes d’équivalent CO2 par kWh d’électricité brute produite au Maroc. Une baisse est toujours constatée quelle que soit la méthode d’évaluation.
Par Amin BENNOUNA (sindibad@uca.ac.ma)
Références
[1] A. Bennouna, « Energie : 2022 année du grand chamboulement ou d’une transition ?« , EcoActu, 12 Juin 2023, https://ecoactu.ma/energie-2022-annee-du-grand-chamboulement-ou-dune-transition/
[2] A. Bennouna, « Comment l’ONEE a-t-elle surmonté les obstacles à la satisfaction de la demande en électricité en 2022 ?« , EcoActu, 19 Avril 2023, https://ecoactu.ma/onee-surmonte-obstacles-satisfaction-electricite/
[3] A. Bennouna, « Demande et production réelles d’énergie et d’électricité à fin 2021 et au premier trimestre 2022« , EcoActu, 7 Juin 2022, https://www.ecoactu.ma/demande-et-production-reelles-denergie-delectricite-a-fin-2021-et-au-premier-trimestre-2022/