Après trois ans d’absence, l’Association marocaine des investisseurs en capital a tenu sa conférence annuelle du capital investissement. Une rencontre qui intervient dans un contexte de frilosité financière mondiale et qui interpelle quant à l’exposition de l’économie nationale aux fonds internationaux. Détails.
En 2022, environ 800 milliards de dollars ont été levé par environ 1.500 fonds dans le monde, dont environ 2 milliards en Afrique (contre 4 milliards l’année précédente), et seulement 100 millions de dollars au Maroc ( contre 180 millions de dollars en 2021).
Il y a bien évidemment plusieurs raisons à ce constat mais l’un des facteurs qui s’avère structurel dans le cas marocain est que industrie du capital investissement est majoritairement financée par du capital étranger, et notamment du capital étranger public, par le biais des DFIs. Sur le continent, on est à 86% capital étranger dont 56% de DFIs, soutient Hamid Ben Ahmed, président de l’AMIC devant une large assistance.
Ainsi, la chute du volume de fonds levés en 2022 n’est pas dû à une baisse de taille du marché africain ou marocain, mais à un shift des priorités de certains bailleurs de fonds : Europe de l’Est notamment ou lutte contre le changement climatique ou contre l’inflation dans leur pays. a
« Dans la profession, nous sommes très reconnaissants aux DFIs des efforts et des ressources qu’ils ont déployé pour établir et soutenir une industrie aussi importante, et beaucoup d’entre nous ne seraient sans doute pas là sans eux », poursuit-il.
Sauf que cette situation devient insoutenable puisque selon le professionnel, on ne peut durablement soumettre une stratégie nationale d’investissement dans les PME aux évolutions des politiques publiques étrangères ou des problématiques des investisseurs privés étrangers.
Il a tenu d’ailleurs à préciser qu’il ne s’agit pas d’être protectionniste ou particulièrement souverainiste. Loin de là, DFIs eux-mêmes font le reproche régulièrement aux acteurs du secteur de ne pas réussir à mobiliser suffisamment de capital local.
Et en tout état de cause, les priorités des politiques publiques étrangères ne sont pas toujours alignées avec les nôtres, que les priorités des investisseurs privés étrangers ne sont pas toujours les nôtres.
« Ce déséquilibre est totalement anormal et cela doit changer », estime Hatim Ben Ahmed.
Comment dès lors sortir de cette situation, il faut établir ou rétablir la confiance.
« En tout cas, côté capital-investisseurs, nous avons fait nos devoirs. Désormais, une grande majorité des opérateurs sont indépendants (62% à fin 2022) et ce chiffre augmentent et ira rapidement vers les 70%. Nous délivrons des rendements en ligne avec les standards du capital-développement. Nous délivrons de la liquidité à nos investisseurs. En 2022, c’est 1,3 milliards de dirhams qui ont été remonté à nos investisseurs, plus que ce qui a été déployé », relève le président de l’AMIC.
Un clin d’œil aux investisseurs locaux, particulièrement les institutionnels qui investissent déjà dans le capital-investissement, mais l’enjeu est d’augmenter massivement les montants alloués.
« Nous ne sommes pas un financement comme les autres, je l’ai dit, aussi car nous ne mesurons pas uniquement notre performance sur la base de critères financiers mais sociaux-économiques également. Nos investisseurs nous le demandent et c’est maintenant totalement intégré par l’ensemble de notre communauté », rappelle le président de l’AMIC.
Un élément important et un argument de plus pour les soucieux d’un développement économique durable et inclusif, puisque les impacts sur l’environnement des investissements sont mesurés et suivis et l’ESG est au cœur de l’acte d’investir.
À noter que les fonds transrégionaux s’accaparent 77% des levées pour le Maroc depuis 2022, d’ailleurs la part des organismes de développement internationaux est en hausse constante depuis la première génération de fonds (2000-2005), selon le rapport d’activité 2022 publié la semaine dernière par l’AMIC.