Les recettes fiscales représentent une part prépondérante dans les recettes ordinaires du budget général de l’Etat avec 83 % enregistré en 2022, et un montant d’environ 252 Mds de DH. Les recettes nettes recouvrées par la Direction générale des impôts (DGI) au titre des principaux impôts se sont établies à environ 148,8 Mds de DH au titre de la même année. Cependant, les restes à recouvrer (RAR) ont atteint environ 100 Mds de DH à fin 2022, souligne la cour des comptes dans son rapport annuel 2022-2023.
Au vu des besoins de l’Etat en ressources pour financer les réformes structurantes et pour le renforcement de l’équité et du civisme fiscaux, d’une part, et du niveau élevé des créances exigibles de l’Etat, d’autre part, la Cour des comptes a évalué la performance de la DGI en matière de recouvrement des créances fiscales sur la période 2017-2021 et a mis en exergue les facteurs limitant le recouvrement.
Ainsi, malgré les efforts consentis par la DGI, les résultats d’apurement des RAR n’ont pas permis d’atteindre les niveaux de réalisation prévus par son plan d’action stratégique 2017- 2021, en matière d’amélioration des ressources du budget de l’Etat et de réduction des RAR d’au moins 10 % annuellement.
Le stock des RAR a, en effet, augmenté d’environ 8 % en moyenne annuelle sur la période précitée. Ces résultats reflètent des insuffisances en matière du recouvrement et de l’admission en non-valeur, conjuguées à d’autres facteurs limitant les actions de recouvrement des créances fiscales.
En termes de recouvrement, les taux réalisés sont marqués par leur faiblesse. A fin 2021, le taux de recouvrement des prises en charge de la période 2017-2021 n’a pas dépassé 45 %, alors que celui réalisé sur le stock des RAR à fin 2016, s’est établi à seulement 10 %.
Ces résultats modestes s’expliquent par l’importance des créances difficilement recouvrables au vu des délais de leur émission par rapport à l’année d’imposition y afférente. En effet, le taux de recouvrement a baissé de 78 %, pour les taxations émises pendant l’année d’imposition ou au cours des deux années suivantes, à 42 % pour les émissions à 5 ans et plus de leur année d’imposition.
De même, la probabilité de recouvrement est impactée par le degré d’activation de la procédure en vigueur tout en respectant les délais y afférents, notamment l’envoi du dernier avis sans frais et du commandement. Ces premiers actes ne sont pas toujours engagés dans les délais appropriés pour faciliter le recouvrement.
Le recouvrement pâtit également d’insuffisances dans la mise en œuvre de l’approche sélective de recouvrement priorisant les créances les plus récentes et à fort enjeu financier. En effet, sur la période 2017-2021, le taux de recouvrement des créances récentes n’a pas dépassé 43 % pour les émissions durant l’année de leur prise en charge et 5 % à partir de l’année suivante. Par ailleurs, les actions de recouvrement n’ont pas suffisamment tenu compte de l’enjeu financier des cotes, enregistrant ainsi des taux de recouvrement quasi-équivalents entre les tranches des montants des créances.
Concernant les admissions en non-valeur (ANV), les réalisations en termes de montant et d’ancienneté n’ont pas atteint les objectifs fixés par la DGI. Les ANV d’environ 19 Mds de DH réalisées sur la période 2017-2021, n’ont représenté que 62% des valeurs cibles.
Quant à l’ancienneté des créances, celles à plus de 4 ans, exclusivement prévues dans les objectifs, n’ont constitué, selon les années, que 49% à 66% du total du montant des ANV. Ces résultats sont dus principalement aux difficultés liées à la disponibilité des dossiers physiques et des pièces justificatives en appui aux propositions des ANV des créances y afférentes. Ces mêmes difficultés entravent le processus de leur recouvrement.
Pour les dégrèvements d’impositions visant souvent à rétablir la réalité de l’impôt dû, ils se sont élevés à plus de 31,6 Mds de DH sur la période examinée. Leur occurrence et leur importance dénotent la qualité insuffisante de certaines émissions d’impôts qui doivent être, au préalable, fiabilisées pour ne pas contribuer à l’augmentation des RAR. En effet, le traitement de 874.350 réclamations sur la période 2018-2021, concernant environ 10 Mds de DH d’impositions, a abouti à des dégrèvements d’environ 7 Mds de DH, soit 70%, dont 5 Mds de DH portant sur le principal de l’impôt.
En outre, le recours aux annulations et remises des pénalités, qui se sont élevées à 14,5 Mds de DH, n’est pas suffisamment rationnalisé pour faire la distinction entre les pénalités abandonnées en raison de l’insolvabilité des contribuables et les remises accordées par l’administration fiscale, et également pour permettre de préserver le rôle des pénalités en tant que moyen de sanction du non-respect des règles de la fiscalité.
Outre ces insuffisances en termes d’apurement des RAR, plusieurs autres facteurs limitent le recouvrement des créances fiscales. Ils se rapportent essentiellement à l’insuffisance de la qualité d’émission, de la coordination interne et de la collaboration des partenaires externes.
S’agissant de la qualité des émissions, les informations relatives aux adresses, renseignées dans les émissions des services d’assiette et de vérification, ne sont pas toujours suffisantes et entravent la notification aux redevables. De même, les émissions suite aux taxations d’office se rapportant aux entreprises inactives, ont contribué à l’accumulation des RAR.
En ce qui concerne la coordination interne, les services d’assiette et de vérification ne communiquent pas systématiquement aux receveurs les renseignements nécessaires pour leur faciliter le recouvrement. Ainsi, les receveurs ne reçoivent pas toujours les avis de redressements afin d’engager les mesures conservatoires ou accomplir les actions relatives à l’organisation d’insolvabilité, le cas échéant. De même, les copies d’accords à l’amiable conclus entre les services de vérification et les redevables, relatifs aux créances mises en recouvrement, ne sont pas régulièrement communiquées aux receveurs.
En termes de collaboration des partenaires externes dans le cadre du droit de communication, l’Administration des douanes et des impôts indirects (ADII) et l’Agence nationale de la sécurité routière (NARSA) échangent les informations avec la DGI de manière électronique et instantanée. Cependant, l’absence d’échange avec la Trésorerie générale du Royaume ou les échanges non dématérialisées et limitées avec d’autres partenaires (banques, Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie (ANCFCC) et Direction générale de la sûreté nationale (DGSN)) réduisent significativement l’efficacité du droit de communication.
Eu égard à ce qui précède, la Cour a recommandé au ministère de l’économie et des finances d’améliorer la qualité des émissions, notamment par la maîtrise des bases d’imposition suite au contrôle ou à régularisation, la réduction des délais et la disponibilité des donnés d’identification suffisantes sur les redevables.
Elle lui a également préconisé d’améliorer la gestion des actions du recouvrement forcé et de procéder à une analyse approfondie des restes à recouvrer pour déterminer, sur la base de justificatifs probants, les créances irrécouvrables et établir un plan pour leur apurement tout en redoublant les efforts de recouvrement des autres créances avec la célérité requise.
Elle a par ailleurs recommandé d’œuvrer avec les partenaires externes, dans le cadre du droit de communication, pour développer des modes d’échanges de renseignements automatisés garantissant la sécurité requise pour chaque partenaire, et de poursuivre ses efforts pour l’amélioration de son système d’information et de renforcer les moyens mis à disposition des receveurs de l’administration fiscale (RAF) pour améliorer la performance du recouvrement.