En marge de la rencontre initiée le 24 juin par Inforisk pour faire un état des lieux de la problématique des délais de paiement, Zakaria Fahim, Président de la commission PME au sein de la CGEM éclaire sur les raisons inhérentes à cette problématique et sur les engagements de l’Etat.
EcoActu.ma : Aujourd’hui la problématique des délais de paiement cristallise les débats à telle enseigne que l’on se demande si elle est la seule problématique dont souffrent les PME et si les entreprises qui ne paient pas dans les délais ne le font pas à cause effectivement des difficultés financières ?
Zakaria Fahim : Je tiens à préciser qu’un problème c’est soit une opportunité qu’il faut saisir, soit un risque qu’il faut surpasser. Effectivement, nous pouvons considérer les délais de paiement comme les conséquences d’un laisser-aller. Dans un monde qui se globalise où d’un côté on a des fournisseurs qui respectent l’orthodoxie, les règles qui les obligent à payer dans les délais et d’un autre côté des opérateurs qui ne respectent pas les délais. Nous sommes ainsi face à une asymétrie où les plus fragiles ceux n’ayant pas d’autres alternatives payent la facture. Si certaines entreprises jouissent de délais courts contrairement à d’autres c’est parce qu’elles ont un moyen de pression. En d’autres termes, soit elles vendent un produit ou un service dont le client a absolument besoin, soit elles ont une taille qui leur permet de faire pression sur le client pour qu’il paie dans les délais.
Aujourd’hui, il est temps que tout le monde prenne conscience que le temps est de l’argent et que cette culture s’ancre dans les habitudes.
A ce titre, il faut saluer ce qu’a fait l’Etat en matière de crédit TVA en demandant un délai de 5 ans pour honorer ses engagements. Idem pour la PME, il faut lui donner un délai raisonnable pour qu’elle paie ses dettes et ne soit pas asphyxiée.
Aujourd’hui, pouvons-nous dire enfin que l’Etat a rempli sa part de responsabilité face au privé dont les crédits interentreprises sont très importants, soit 4 Mds de DH ?
Il ne faut pas oublier que c’est dans le cadre du crédit interentreprises que nous retrouvons des opérations entre le formel et l’informel, où il y a moins de regard, de vigilance et l’absence d’arbitrage. C’est vraiment la jungle.
Les règles de jeu ne se sont pas mises en place tout naturellement parce qu’il faut un régulateur en l’occurrence l’Etat qui devrait mettre un peu du sien. C’est pour cela qu’il faut qu’on ait une justice fiscale qui va plus vite, une accélération du E-gov et un dispositif digital dans les marchés publics, dans les relations avec l’administration… pour écarter les risques de corruption potentiels.
Les entreprises ont pris l’habitude de retarder le paiement parce qu’effectivement il s’agit d’une pratique courante dans les affaires.
Durant la deuxième réunion de l’Observatoire des délais de paiement, des dispositions ont été prises par les pouvoirs publics. Quel commentaire faites-vous à ce sujet ?
Il a été décidé que toutes les entreprises qui ont une bonne santé paient tout de suite et que celles qui ont des difficultés financières trouvent des arrangements. Comme l’affacturage qui a été opéré avec les banques pour payer aux entreprises le crédit TVA. Donc il y a eu un engagement fort de l’Etat qui a été respecté.
Je pense que l’Etat ne peut pas s’engager s’il n’a pas mis tout ce qu’il faut pour être au rendez-vous. Je peux dire qu’il a mis les ingrédients et donc nous pouvons y aller parce que l’Observatoire des délais de paiement est en train de se mettre progressivement en place et que forcément nous aurons une visibilité sur qui fait quoi.
Outre les délais de paiement, les PME souffrent d’un problème d’accès au financement qui ne fait qu’empirer leur situation. Avec la loi sur les sûretés mobilières, la situation va-t-elle enfin changer ?
Je crois que c’est une très bonne mesure si on arrive à bien la déployer. La question qui se pose : est-ce que les banquiers vont l’apprécier ? Vont-ils être capables de l’intégrer comme une vraie couverture de risques ? C’est là le vrai challenge. Aujourd’hui, nous ne disposons pas encore de toutes les réponses.