Ecrit par Lamiae Boumahrou I
Les rencontres médias-Conseil de la concurrence sont souvent l’occasion d’interpeller le président sur des sujets pointus de la concurrence. Cette fois-ci nous l’avons interpellé sur la libéralisation du gaz butane et plus précisément sur si les conditions de la concurrence sont-elles réunies pour réussir cette réforme. Ahmed Rahhou est resté évasif tout en précisant que le Conseil n’émettra d’avis que sur demande.
Les sujets de la concurrence défrayent de plus en plus la chronique. Car bien que l’instance en charge de la concurrence ait été réactivée depuis novembre 2018, sa force d’attaque est encore critiquée par bon nombre d’experts. Le traitement du dossier des hydrocarbures n’ a pas changé cette appréciation bien au contraire.
En effet, le Conseil était très attendu sur le dossier de l’entente des prix des hydrocarbures. Malheureusement, la montagne a accouché d’une souris puisque la sanction infligée aux pétroliers (1,84 Md de DH) était, au regard de tous, dérisoire comparativement aux gains mais aussi à l’infraction même des pratiques anti-concurrentielles que les pétroliers ont pratiquées durant 8 ans.
Sans parler du fait que le Conseil n’a pas communiqué tous les termes du deal conclu avec les pétroliers notamment les engagements. Et pourtant la mission même du conseil est de garantir le cadre de l’organisation d’une concurrence libre et loyale, d’assurer la transparence et l’équité dans les relations économiques.
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Interpellé sur ce manque de transparence dans ce dossier, Ahmed Rahhou, président du Conseil, a souligné que le Conseil peut ne pas publier les engagements lorsqu’il y a des secrets d’affaires. « La loi prévoit la protection des droits des affaires », a-t-il précisé.
Quant aux engagements pris par les pétroliers dans le cadre de cet accord, Rahhou a affirmé que le Conseil va suivre la réalisation desdits engagements durant 3 ans.
Il a précisé que lesdites entreprises devront remonter des informations trimestrielles relatives aux achats et ventes mensuelles aux stations réalisées par chaque société, ainsi que leurs niveaux de stocks en Gasoil et en Essence.
Mais en attendant de voir la suite de cet accord, un autre secteur, aussi vital que les hydrocarbures, devrait être dans les radars du Conseil de la concurrence à savoir le gaz butane. Du moins c’est ce que nous espérons.
Rappelons que le gouvernement s’apprête, dès avril prochain, à entamer la réforme de la décompensation du gaz, du sucre et du blé. Une libéralisation progressive sur 3 ans mais qu’il faudra voir de prêt pour ne pas tomber dans les mêmes erreurs de la libéralisation des hydrocarbures. Des erreurs qui ont pesé lourd aussi bien sur le budget des ménages que sur l’économie.
Nous avons donc interpellé le président du Conseil sur si les conditions de la concurrence sont-elles réunies pour mener à bien le processus de libéralisation mais aussi si le Conseil est-il habilité à agir en amont pour éviter que le scénario des hydrocarbures se reproduise.
Des questions légitimes étant donné que les acteurs du secteur du gaz butane sont quasiment les mêmes que ceux des hydrocarbures et que 50% du marché du gaz butane seraient détenus (directement ou indirectement) par un seul opérateur. Une situation de monopole qui impose de renforcer les mécanismes de veille pour mettre court à d’éventuelles pratiques anti-concurrentielles. Comme dit l’adage mieux vaut prévenir que guérir.
Nous n’avons pas malheureusement pas reçu une réponse à nos interrogations. Le président du Conseil s’est contenté de nous rappeler les enjeux de cette réforme qui va mettre fin à une injustice sociale.
« Le Conseil est pour le remplacement de la décompensation, qui en profite à tous (riches et pauvres), par une aide directe aux citoyens. Par contre, pour les modalités de passage vers la libéralisation, c’est une décision gouvernementale dont nous n’avons pas d’avis à émettre », a-t-il précisé.
Et d’ajouter « le Conseil n’interviendra que si ‘avis’ est demandé au Conseil ». Cela dit, nous restons sur notre faim tout en espérant que le citoyen n’ait pas à subir les mêmes conséquences de la libéralisation des hydrocarbures. A bon entendeur !