Ecrit par Soubha Es-Siari |
Nous avons tous applaudi à la constitution d’une commission dont la principale mission est d’élaborer un Nouveau Modèle de Développement (NMD) pour notre économie. L’enjeu est de taille, bon an, mal an, le Maroc n’arrive plus à emprunter un sentier de croissance durable à même d’assurer l’inclusion sociale.
Plus que le vœu de développement futur, le chantier du nouveau modèle de développement a été surtout un relai d’espoir d’un lendemain meilleur.
Des franges importantes de la population continuent à évoluer hors système. La récurrence voire la fréquence des sècheresses, pour une économie fortement dépendante de l’agriculture, accentue la volatilité de la production, entraîne l’insuffisance de la demande… avec tous les effets secondaires sur d’autres pans aussi bien économiques que sociaux.
L’élan brisé a tout naturellement entraîné un ralentissement dans la création de richesse et une recrudescence des inégalités sociales.
En un mot comme en cent, la crise a mis en évidence la fragilité du modèle de développement appliqué, jusqu’alors, et son incapacité à consolider la position du Maroc en tant que hub.
Censé donner naissance à un pacte national pour le développement devant servir à partir de 2022 de référence à l’horizon 2035 aux équipes se succédant au pouvoir, le Nouveau Modèle de Développement est toujours au stade de projet. Même les membres de la Commission ne savent à quel horizon et comment sera publié ledit pacte national.
D’après-eux, leur mission est accomplie et le document du nouveau modèle de développement a vu le jour plus ou moins dans les délais impartis. Une grande prouesse !
Ils s’enorgueillissent de l’élaboration d’un document volumineux, un fourre-tout qui regorge de propositions frôlant parfois l’irréalisme, omettant au passage que ce qui compte le plus c’est d’abord l’adoption de ce qui peut être adopté afin de pouvoir récolter illico les fruits et sortir des sentiers battus.
Or, depuis la publication du rapport sur le Nouveau Modèle de Développement, aucune mesure ou disposition n’a vu la lumière.
La première déception est le programme gouvernemental de l’actuelle équipe au pouvoir au lendemain de son élection faisant fi des axes stratégiques du NMD. S’en suit alors la Loi de Finances 2022, pauvre à son tour en dispositions contenues dans le rapport.
En dehors des actions retenues dans le cadre du » Fonds Mohammed V pour l’investissement « , les évolutions des principales variables du budget proposé demeurent assez moyennes, sans audace et très peu convaincantes pour faire sortir l’économie nationale de l’impasse inédite dans laquelle elle s’est engluée avec la crise sanitaire.
Sur le plan social, l’ultime bouée de sauvetage est le chantier de la couverture sociale, initié par le Souverain, aujourd’hui en marche. La réforme globale des retraites, la compensation, la santé, l’éducation, la justice… aucune couleur n’est annoncée si ce n’est de la redite.
Et pourtant l’urgence de certaines actions phares du NMD ( lutte contre la rente, réforme fiscale, appui au secteur privé…) est de mise essentiellement dans le court terme au risque d’être emporté par la vague.
La crise russo-ukrainienne avec pour toile de fond la poussée inflationniste a provoqué un séisme majeur à l’échelle planétaire. Depuis quelques jours les agences de notation émettent des signaux d’alerte sur le scénario de la récession.
Au Maroc, on scrute les événements, on les subit de plein fouet. Des mesurettes par-ci, des mesurettes par-là comme si l’équipe au pouvoir attend le coup de grâce pour enfin réagir.
La crise actuelle que nous vivons aujourd’hui peut-elle servir d’alibi à l’équipe Akhannouch pour justifier sa passivité à l’égard du NMD ? La société a-t-elle encore les reins solides pour attendre le temps que des réformes audacieuses soient mises en place ? Nos jeunes peuvent-ils patienter davantage pour un travail décent ? La petite entreprise dispose-t-elle d’une marge de manœuvre pour éviter la clé sous le paillasson ?… Autant de questions lancinantes qui interpellent.
Au Maroc, l’équipe au pouvoir dégage un air d’être dépassée par les évènements. Les hypothèses de la Loi de Finances 2022 déjà molles sont devenues caduques à cause d’une flambée des cours du gaz et du pétrole, d’une campagne agricole en deçà de la moyenne et d’une inflation très poussée.
Déterminé à ne pas recourir à la Loi de Finances Rectificative, le gouvernement ne fait que colmater les brèches dans ce contexte où ces vents contraires soufflent fortement.
Nous savons pertinemment que l’intensité du choc Covid a provoqué un séisme majeur ébranlant l’essence et les fondements sur lesquels ont été érigées les sociétés et leurs économies. Les frontières des paradigmes les plus solides ont bougé et les orientations de politiques économiques ont changé de cap arpentant de nouveaux sentiers au grand dam des théories classiques considérées, il y a peu de temps, comme immuables.
Mais il faut dire que par son manque d’audace, l’équipe Akhannouch risque de faire sombrer l’économie nationale dans la léthargie. De provoquer des déboires qui risquent d’enfoncer la population vulnérable dans la pauvreté.
Face à cette attitude précautionneuse voire frileuse des politiques publiques, l’économie pourrait connaître des pronostics de croissance pour 2022 bien plus alarmants. L’hypothèse d’autres formes de crises internationales est la variable la plus sûre dans l’équation.
1 comment
S’il n’y avait pas de crise, ils l’auraient inventée./