Plutôt que d’interdire la saisie des comptes de l’Etat, le gouvernement ne devrait-il pas voir de plus près les raisons des saisies qui se chiffrent à des milliards de dirhams.
La saisie des comptes de l’Etat en cas de jugement continue de susciter le débat. L’article 9 du PLF 2020 n’est pas passé sous silence. Le ministre de l’Economie et des Finances, depuis la publication du PLF, est interpelé sur cet article que les avocats et les juges ont qualifié d’inconstitutionnel et de contraire aux principes d’équité.
Devant les membres de la Commission des Finances et du Développement Economique de la Chambre des Représentants, Mohamed Benchaâboun, a précisé que l’intention derrière ledit article n’est pas de violer la Constitution ou de vider les sentences de leur essence.
« Mais bien au contraire. L’objectif du PLF est de renforcer la confiance des citoyens dans les institutions de l’Etat », a-t-il souligné.
A noter que l’exécution des jugements à l’encontre des établissements et administrations publics se fait par la saisie des comptes de l’Etat. Une saisie dont les conséquences peuvent perturber le fonctionnement des établissements en question mais aussi la continuité des services fournis.
En effet, l’épisode survenu il y a un mois relatif au prélèvement d’un montant important du compte d’un établissement public directement de BAM a eu des répercussions graves sur le budget de fonctionnement de l’établissement, objet de la saisie, au point ne pas pouvoir régler les salaires.
Contactée par nos soins, la Banque centrale apporte des précisions quant au processus d’exécution des jugements.
« Bank Al-Maghrib ne fait qu’exécuter des jugements revêtus de la force de la chose jugée, de validation des saisies arrêts pratiquées entre ses mains à l’encontre de la Trésorerie Générale du Royaume. Dans ce cadre, la Banque, en sa qualité de tiers saisi, n’est pas habilitée à discuter le fondement de la créance, ou encore le caractère saisissable ou non des fonds appréhendés », nous a-t-on précisé auprès de la Banque Centrale.
Faut-il rappeler que la loi n° 69-00 relative au contrôle financier de l’Etat sur les établissements publics et autres organismes dispose, dans son article 7 que, sauf dérogation accordée par le ministre chargé des Finances, les fonds disponibles des établissements sont déposés à la Trésorerie générale du Royaume (TGR).
Mais quelle relation avec BAM ? Pourquoi est-ce la Banque centrale qui procède à la saisie ? Tout simplement parce que c’est elle qui gère le compte de la TGR et par conséquent cela fait partie de ses prérogatives.
La banque précise qu’elle soulève, toutefois, les difficultés d’exécution d’ordre légal, que le Code de la procédure civile lui permet en tant que tiers saisi. « Devant la levée de ces difficultés d’exécuter par le juge des exécutions compétent, la Banque ne peut que donner suite favorable auxdits jugements sous peine d’engager sa propre responsabilité civile et/ou pénale ou encore se voir condamner à titre solidaire avec la TGR, au paiement de sommes objet des procédures en question », nous précise BAM. En d’autres termes, la Banque centrale n’a d’autres choix que d’exécuter les jugements.
Benchaâboun a-t-il convaincu les députés ?
Alors pour contourner cette contrainte et mettre fin aux saisies, le ministère a opté pour l’introduction de l’article 9 dans le PLF 2020. Le ministre a précisé qu’avec cette mesure, l’Etat veille à garantir la continuité des établissements publics notamment dans le règlement de ses services. « En tant que représentants de la Nation, permettez-vous la saisie des salaires des fonctionnaires ou encore la saisie du budget d’un hôpital et mettre ainsi en jeu la vie des citoyens », s’est interrogé Mohammed Benchaâboun devant les députés.
Faut-il préciser que les saisies sur les comptes de l’Etat se sont chiffrées à des milliards de dirhams durant les dernières années non pas sans impact sur l’équilibre financier de l’Etat, des établissements publics ainsi que des collectivités territoriales. 9,5 Mds de DH payés par l’Etat en 3 ans pour l’exécution des jugements. Mais encore faut-il ,au risque de porter préjudice au créancier, le maillon faible de la chaîne, procéder à une enquête poussée pour savoir les raisons et prévoir les actions correctives.
Mais il semble que, pour l’instant, ce n’est pas une priorité pour l’Etat. Le ministre de l’Economie et des Finances continue de défendre, bec et ongles, l’article 9 en affirmant que parallèlement à cet article, des mesures seront prises pour faciliter la procédure et garantir l’exécution des jugements. « Plusieurs mesures ont été prises pour insérer des articles relatifs à l’exécution desdits jugements dans les budgets des établissements et des administrations publics. Aussi sera-il question de programmer des crédits annuels dédiés à ce volet et qui se référencent à la procédure du paiement « sans ordonnancement préalable » a-t-il précisé.
Et d’ajouter que l’Etat veille à programmer des crédits obligatoires d’un montant de 1 Md de DH par an.