Ecrit par Imane Bouhrara I
Un séisme de la magnitude de celui d’Al Haouz ne peut qu’être désastreux en pertes humaines et matérielles. Mais les dégâts sont amplifiés par le faible développement rural et montagneux, qui demeure un talon d’Achille au Maroc.
Le train du développement au Maroc a laissé quelques passagers sur le quai. A l’heure où le royaume s’est intégré aux chaînes de valeur mondiales et a opéré une ouverture sur le marché mondial avec toutes les retombées en interne, particulièrement sur les grandes métropoles, le monde rural et montagneux est resté quasiment figé dans le temps et dans l’espace.
Le Haut Atlas ne fait pas exception avec de grandes zones enclavées avec des populations pauvres et des territoires sous-équipés. Le séisme d’Al Haouz a rappelé cette vérité cinglante et les images et vidéos parvenues des zones sinistrées se passent de tout commentaire.
Ce n’est pas que le Maroc n’a pas tenté d’y remédier mais il s’y est pris mal, très mal. En effet, selon les spécialistes du sujet et différents rapports notamment celui relatif au programme du développement territorial durable du Haut Atlas, le Maroc a lancé depuis le milieu des années 1990 un ensemble de programmes ambitieux et a entrepris des mesures visant la lutte contre la pauvreté à travers la mise à niveau des zones défavorisées.
Des actions plutôt limitées à l’accès des populations à l’éducation, aux soins de santé et le raccordement aux infrastructures et équipements de base (routes, eau potable, électrification, assainissement, communication, mise à niveau urbaine, restructuration des quartiers sous-équipés…). Et là encore, cela reste à prouver dans les zones enclavées touchées de plein fouet par le séisme d’Al Haouz.
Malheureusement les résultats n’ont pas été au rendez-vous en raison notamment de la surcharge démographique en milieu rural et la croissance très soutenue de la population urbaine dans le Haut Atlas qui ont eu pour conséquence d’estomper l’impact des efforts entrepris en matière de développement des services sociaux et des infrastructures de base dans le massif.
Les spécialistes relèvent également l’absence d’une stratégie globale, claire et intégrée ayant pour effet d’éparpiller les efforts sectoriels engagés et de ne pas atteindre les objectifs de développement rural ambitionnés.
C’est l’échec cuisant de l’acteur politique local mais aussi central dans la mise en œuvre d’orientations pourtant récurrentes dans le discours du Roi, notamment
En effet, le drame d’Al Haouz est intervenu 6 ans jours pour jours après la rencontre entre le Souverain et Aziz Akhannouch, à l’époque ministre, justement sur l’impératif d’une classe moyenne rurale. Qu’est ce qui a été réalisé sur le terrain dans les zones enclavées et qui ne sont pas forcément à vocation agricole ?
Dans ce tableau sombre, d’autres acteurs politiques ont tenté d’attirer l’attention sur la problématique du faible développement et intégration du monde rural et montagneux. Le cas du mouvement populaire qui avait proposé le projet de loi Montagne inscrit au parlement en date du 23 janvier 2023 à la première chambre. Un projet qui, entres autres, pose les jalons d’un dispositif institutionnel adapté à la configuration des zones montagneuses, permettant la mobilisation des acteurs, autour des projets partagés, pour assurer une gouvernance territoriale spécifique à ces régions.
Le drame d’Al Haouz implique que les politiques revoient leur copie sur la place à accorder au développement rural et montagneux dans les politiques sectorielles publiques. En prenant en considération les spécificités de ces zones, la complexité de leur intégration dans les politiques publiques et les ressources naturelles dont elles regorgent pour les mettre au profit de leurs populations.
Il s’agit plus de prioriser ces territoires en se basant sur les études existantes, pour tracer les choix prioritaires à conduire, pour promouvoir une démarche de développement durable du Haut Atlas, selon une vision intégrée déclinée en projets territoriaux concrets qui concilie territoire-Homme et ressources.