Interviewé par Lamiae Boumahrou I
Hassan Abkari, Directeur général de Tanger Med Port Authority (TMPA), revient sur le rôle que le port Tanger Med devrait jouer pour renforcer la performance des chaînes logistiques dans le continent africain.
EcoActu.ma : Le Toc Africa se tient pour la première fois au Maroc et particulièrement à Tanger. Qu’est-ce qui explique ce choix ?
Hassan Abkari : De par son mode organisationnel et sa vision stratégique qui a été à la genèse de ce projet de SM le Roi Mohammed VI, Tanger Med a pu passer de 0 à 7,6 Millions de EVP en seulement 20 ans. Une performance qui est la résultante, d’un choix judicieux du site d’abord mais aussi de la mise en place d’un projet intégré comprenant aussi bien le port que les zones d’activités industrielles logistiques que l’infrastructure de connexion. Sans oublier le mode organisationnel qui est assez futuriste qui prend en compte tout ce qui est durabilité, digitalisation et tout ce qui est lié à la mise en place d’infrastructure de très haut niveau qui permet de continuer d’accompagner le développement de cette infrastructure et de la hisser au plus haut niveau de compétitivité possible.
Cette vision a fait de nous légitimement le réceptacle d’un évènement comme le Toc Africa puisque c’est un événement qui partage les mêmes questions, les mêmes problématiques et qui tente d’apporter des solutions aux sujets communs qui requièrent une collaboration étroite entre un échange d’expériences entre l’ensemble des partenaires notamment les autorités portuaires, les opérateurs des terminaux, tous les experts en infrastructure digitale qui contribuent à la réalisation de l’objet social d’un port. Tout cela fait donc de nous le réceptacle réel au niveau de l’Afrique pour pouvoir recevoir ce genre d’événements.
Deuxième chose, Toc Europe par exemple est organisé chaque année au port de Rotterdam, le Toc Amérique s’organise à chaque fois dans un port américain et en Afrique nous estimons que Tanger Med dispose de la légitimité, de par son développement technologique, son volume de trafic, sa classification et surtout de par sa vision stratégique de coopération Sud-Sud selon les hautes instructions royales. Cette vision nous met tout de suite en avant pour participer activement à ce type de rencontres afin d’échanger avec nos homologues africains à savoir les patrons des autorités portuaires africaines pour la résolution de problématiques similaires et aussi pour l’échange d’expériences dans les deux sens.
Tanger Med a acquis une expérience remarquable en moins de 20 ans. Concrètement comment le port de Tanger Med peut-il contribuer à améliorer la performance des chaînes d’approvisionnement africaines ?
Etant un port de transbordement connecté à 40 ports sur la côte ouest-africaine, dans 22 pays, Tanger Med est l’un des pivots des échanges africains. Aujourd’hui sur un trafic total de 7,6 Millions de EVP par an de Tanger Med, 40 % de produits sont destinés ou d’origine africaine . Donc à peu près 2,3 Millions de conteneurs transitent de Tanger Med vers l’Afrique ou proviennent d’Afrique. Il y a aussi 120 services réguliers d’armateurs qui relient le port Tanger Med aux ports ouest-africains chaque semaine, et qui permettent un passage fluide de la marchandise dans les deux sens.
Tanger Med est véritablement la porte d’entrée vers l’Afrique qui permet avec un coût extrêmement compétitif d’échanger entre l’Afrique et le monde. La connectivité mondiale du Maroc permet aussi de servir de relais à cette marchandise pour délivrer les exports africains n’importe où dans le monde ou acheminer à l’import des produits mondiaux vers l’Afrique via le port Tanger Med. C’est dire que la vocation africaine du port Tanger Med n’est plus à démontrer comme en témoignent les chiffres.
Par ailleurs, Tanger Med, pour accompagner de par son expérience et son expertise dans certains domaines, dispose d’un simulateur pour la formation des pilotes. Plusieurs pilotes africains suivent ces formations qui leur permettent de rehausser le niveau d’excellence en terme de prestation de services. Aussi des formations sur les métiers de capitainerie. Nous assurons la formation et l’échange avec un nombre important de ports africains qui permettent à des officiers de capitainerie de se former au sein du centre de Tanger Med. Ils viennent aussi pour suivre des formations des métiers de la gestion des flux au niveau des structures opérationnelles qui gèrent le port. Cet événement est l’occasion de renforcer nos liens avec nos partenaires et nos alter egos africains au niveau des autorités portuaires afin de mieux assoir ces échanges au niveau africain.
Certes il y a des progrès remarquables dans ce domaine mais il y a encore des défis à relever notamment au niveau du terrestre, maillon faible des chaînes logistiques en Afrique. Comment y remédier ?
Tanger Med est un véritable laboratoire à ciel ouvert. Nous avons des problématiques dont les solutions peuvent être généralisées à l’Afrique. Le Maroc en tant que pays africain partage les mêmes capillarités, la même distribution des habitations, et les mêmes contraintes d’acheminement des produits finis vers les populations.
Aujourd’hui la notion de corridor logistique est une réalité. Nous sommes actuellement en train de développer un port sec sur Agadir ainsi que d’autres ports secs prévus pour les zones d’activités industrielles qui dépendent du groupe Tanger Med et qui vont permettre de faciliter les échanges à l’intérieur du pays au niveau de l’hinterland pour réduire le coût logistique au maximum.
L’idée est de pouvoir massifier les transports soit par voie ferroviaire soit par autoroute pour réduire le coût d’acheminement et la facture logistique finale.
Ce sont les mêmes problématiques qui existent aujourd’hui en Afrique. Certes les tirans d’eau dont dispose le port Tanger Med, qui sont à -18, permettent de recevoir les navires mères, donc les grands porteurs, ce qui n’est pas le cas pour la majorité des ports africains. Mais le relais via Tanger Med permet à des feeders (navires plus petits) d’acheminer la marchandise vers les ports d’entrée qui eux-mêmes devraient développer des corridors logistiques et des ports secs au niveau des pays africains attenants ne disposant pas de façade maritime.
Ceci permettra de créer un maillage réel à l’intérieur de l’Afrique grâce aux ports secs et grâce aux infrastructures de connexion. A noter que la vision stratégique de SM a été extrêmement pointue dans la mesure où on ne peut pas imaginer un port en eau profonde sans infrastructures de connexion, les zones d’activités industrielles et les sites de production et de consommation (export ou import) qui viennent compléter l’ensemble de cette structure.
Au niveau africain la problématique va être la même. Il est donc normal de s’inspirer de l’expérience marocaine de Tanger Med qui je tiens à rappeler a pu, en seulement 20 ans, passer de 0 à 7,6 millions de EVP, développer l’infrastructure (lourd investissement), développer toute la facilitation nécessaire pour booster le commerce.
Je tiens à remercier l’ensemble des administrations qui contribuent à cette prouesse car c’est une remise en question réelle de l’ensemble des méthodes et de savoir-faire ancestraux qui ont été mis à niveau pour pouvoir absorber des flux de trafics extrêmement énormes. Pour donner un ordre de grandeur, le port Tanger ville faisait 27 milles EVP/an, soit l’équivalent du trafic d’une journée du port Tanger Med.