Après le rebond en 2023, le tourisme au Maroc semble reprendre du poil de la bête. Le secteur qui avait tellement pâti de la pandémie du Covid, était en proie à une absence de perspective. La feuille de route 2023-2026 signe-t-elle le retour des jours heureux ?
En 2023, le tourisme au Maroc a rebondi avec vigueur malgré les défis mondiaux depuis 2020, dépassant même les chiffres de 2019. Cette dynamique renforce son rôle crucial dans le développement économique national. Toujours est-il que dans un contexte économique difficile, le tourisme peut-il émerger comme un levier majeur, notamment en vue de la Coupe d’Afrique des Nations en 2025 et de la Coupe du Monde en 2030 ?
Dans le cadre de la relance du secteur touristique, le gouvernement s’engage à aborder les défis actuels en mettant en œuvre une série de mesures visant à favoriser sa reprise.
Au centre de ces initiatives se trouve la mise en œuvre de la feuille de route stratégique du tourisme pour la période 2023-2026, visant à terme l’accomplissement de plusieurs objectifs ambitieux d’accueillir 17,5 millions de touristes, générer 120 Mds de DH de recettes en devises, créer 80.000 emplois directs et 120 000 emplois indirects, tout en réaffirmant le tourisme en tant que secteur clé de l’économie nationale.
Avec un budget de 6,1 Mds de DH, cette feuille de route stratégique joue un rôle crucial en guidant la dynamique touristique, qui devrait être influencée par deux principaux faits, selon un focus éco de Valoris Securities.
D’abord, in renforcement des arrivées touristiques au sud de la méditerranée, plus rapide que celle du nord, depuis la crise du COVID-19 ;
En ce qui concerne le premier point, il est possible d’expliquer initialement ce renforcement dans le sud par la dépréciation des devises de plusieurs pays méditerranéens, ce qui a contribué à accroître la compétitivité de ces destinations. Cependant, la croissance à deux chiffres des arrivées au Maroc, malgré l’absence de dépréciation de sa monnaie, suggère plutôt que ce changement d’orientation n’est pas uniquement motivé par des considérations de coût, mais plutôt par un changement de préférence.
Le deuxième fait est l’impact que devrait apporter l’organisation de la Coupe du Monde 2030, essentiellement sur les arrivées.
Sur la base d’une étude récente du FMI publiée au mois de février 2024, la récente Coupe du Monde 2022 a permis de générer des revenus de tourisme et de diffusion d’une valeur entre 2,3 et 4,1 Milliards de dollars. Pour le Qatar, l’impact sur son PIB a été estimé à un montant entre 1,6 et 2,4 Mds de DH MAD, soit 0,7 à 1% du PIB du pays.
De ce fait, via un calcul par extrapolation, l’impact sur le PIB d’un match de coupe du monde (64 matches lors de l’édition 2022) s’élève à une moyenne de 25 à 37,5 Millions de dollars par match, ce qui devrait se traduire par un impact entre 850 et 1275 Millions de dollars pour le Maroc (sans prise en compte de l’inflation entre 2022 et 2030), si ce dernier parvient à organiser près d’un tiers des 104 matchs prévus.
En théorie, ceci devrait se traduire par un impact positif minimum sur le PIB du Maroc entre 0,6% et 0,9%, ce qui stimulerait l’essor du secteur entre 2024 et 2030, selon Valoris Securities.
En parallèle, le maintien des arrivées et recettes des MRE seraient un élément déterminant quant à la réussite de la stratégie définie par le Maroc pour le secteur.
L’Opération Marhaba 2023, lancée en juin dernier, s’est révélée être un puissant catalyseur pour l’activité touristique au Maroc. Ainsi, un total de 2,84 Millions de passagers et 642.000 véhicules ont transité dans les deux sens par les ports marocains, enregistrant une augmentation de 23% pour les passagers et de 20 % pour les véhicules par rapport à l’année précédente.
A l’échelle internationale, le tourisme mondial s’achemine vers une poursuite de la reprise jusqu’à atteindre ses niveaux pré-pandémiques d’ici fin de 2024. D’après les prévisions de l’Organisation mondiale du Tourisme (OMT) en janvier 2024, une croissance de 2 % par rapport à 2019 est anticipée pour cette année.
Dans ce contexte, le tourisme national devrait profiter de plusieurs opportunités, d’autant plus que ce dernier a déjà retrouvé ses niveaux pré-crise.
Ainsi, la société marocaine d’ingénierie touristique annonce l’ajout de 40.000 lits supplémentaires afin d’atteindre une capacité d’accueil de 330.000 lits d’ici 2026, tout en envisageant la création de 2000 nouvelles entreprises, principalement des petites et moyennes entreprises.
Sur le plan commercial, on note aussi la participation du Maroc au salon international Fitur en Espagne où l’Office National Marocain du Tourisme a conclu deux partenariats majeurs. Le premier concerne le TO leader Avoris, s’engageant à déployer massivement son portefeuille de marques pour atteindre 70 000 clients d’ici 2027.
Quant au second partenariat, conclu avec le groupement de tour-opérateurs Travelance, il vise à instaurer une synergie afin de stimuler les ventes des agences de voyages indépendantes. Concernant les partenariats avec le Portugal, l’ONMT a établi des liens stratégiques avec les deux plus importants tour-opérateurs lusophones, Abreu & Newtour, pour la mise en place de plusieurs vols à destination d’Al Hoceima, Agadir, Nador et Saidia.
En plus de la participation du Maroc au Salon des Vacances de Bruxelles 2024, la concrétisation de partenariats avec sept compagnies aériennes est à souligner, permettant de relier le marché belge à onze destinations marocaines. Cette collaboration aboutit à une capacité aérienne dépassant un million de sièges en 2024.
En dernier lieu, il est important de souligner que le Maroc a fait preuve de résilience sur la scène internationale en organisant les assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale malgré le séisme dévastateur d’Al-Haouz.
En s’appuyant sur l’ensemble des événements à venir, le secteur touristique marocain se prépare à bénéficier d’un fort engouement en termes d’investissement et de développement, à condition de savoir tirer profit de la prochaine croissance des arrivées.
D’une part, la réussite de la tenue des deux prochains événements footballistiques majeurs au Maroc, en parallèle à une montée d’attractivité des destinations au sud de la méditerranée, nécessite le développement d’une infrastructure adéquate. Sur ce volet, le renforcement des investissements privés dans le secteur est une condition nécessaire pour l’atteinte des objectifs fixés, en plus des efforts en termes d’investissements publics.
Dans le même sillage, le Maroc renforce actuellement ses relations avec plusieurs partenaires stratégiques dans le but de contribuer à un cadre de gain mutuel pour les deux parties (par exemple, la récente visite du Souverain aux Émirats arabes unis). Parallèlement, les recettes des Marocains résidant à l’étranger pourraient maintenir leur croissance si le Maroc parvient à stimuler la transformation de ces recettes en projets d’investissements créateurs d’emplois, qui pourraient ensuite servir de modèle pour d’autres initiatives.
Selon le Focus éco de Valoris Securities, le secteur touristique pourrait se révéler être un pilier crucial à venir pour l’économie marocaine, catalysant la croissance économique nationale, à condition de valoriser pleinement ses atouts et de mettre en place des projets de développement crédibles. Par exemple, la finalisation du grand Palais des Congrès de Marrakech prévue pour 2026 devrait stimuler le tourisme d’affaires et réduire la dépendance aux marchés de séjour.
Ainsi, grâce au lancement de projets de grande envergure, le Maroc pourra renouer des partenariats stratégiques et renforcer la présence de l’investissement privé dans le secteur touristique.