Une double urgence s’impose aujourd’hui pour le Royaume : soutenir les entreprises et ménages face à l’arrêt partiel de l’activité, puis relancer l’économie lorsque la pandémie du Covid-19 refluera. Seulement nombreux sont ceux qui craignent que lorsque la crise sera derrière nous, le Maroc se retrouve alourdi par un endettement plus important.
Soutenable ou pas ?
A ce titre, il est utile de rappeler que quoiqu’on dise et quoique l’on fasse, la situation initiale des finances publiques d’un pays revêt un caractère déterminant pour reprendre le train de la relance. Or, la dette publique était déjà importante et préoccupante en 2019. Comme en attestent les chiffres, au terme de l’année 2019, l’encours de la dette extérieure du Trésor s’est établi à 161,5 milliards DH. A fin décembre 2019, l’encours de la dette extérieure hors Trésor s’est établi à 178,3 milliards DH. Durant la même année, les ressources issues des emprunts extérieurs du secteur public ont porté sur un volume global de 39,4 milliards DH : 25,5 milliards DH ont été mobilisés par le Trésor et 13,9 milliards DH par les autres emprunteurs publics.
En effet, avant même le déclenchement de la pandémie Covid-19, la question de la soutenabilité de la dette publique se posait avec acuité. Bien que M. Benchaâboun, le ministre de l’Économie et des Finances rassure, les économistes et les conjoncturistes ne partagent pas le même avis et ne font qu’alerter chaque fois sur le taux d’endettement qu’ils jugent élevé par rapport à un taux de croissance non seulement insuffisant mais trop aléatoire et fortement dépendant de la pluviométrie.
Forte dégradation à l’export
Dans une récente étude, Coface a placé le curseur sur les pays à niveau comparable du Maroc, touchés par la pandémie et dont les gouvernements ont décidé des mesures de confinement obligatoire. Ces pays devront faire face à une montée de l’endettement, issue de la diminution des recettes liées au Covid-19, ainsi qu’à l’augmentation des dépenses santé et celles destinées à atténuer les conséquences économiques sur la population. Le Maroc n’en est pas exclu !
Pis encore, les chiffres du commerce extérieur à fin mars 2020 que vient de rendre publics l’Office des changes font froid au dos : les exportations enregistrent une baisse de 10,6% ou -8.112 MDH : 68.217 MDH contre 76.329 MDH un an auparavant. Ce recul fait suite à la diminution des ventes de la majorité des secteurs : l’Automobile affiche une baisse de -25,3% ; l’Aéronautique a chuté de 19,2% ; le Textile et Cuir a régressé de 7% ; l’électronique a baissé de 19,5%… Des baisses drastiques des principaux secteurs à l’export et pourvoyeurs de devises qui en disent long sur l’état des RIN à fin mars. Les chiffres du mois d’avril seraient plus catastrophiques.
Face à cette situation, le Maroc sera appelé à recourir à l’endettement pour redémarrer son économie avant même de penser à la relance. L’endettement a d’ailleurs fait l’objet d’un décret de déplafonnement pour le porter au-delà de 31 Mds de DH. Un déplafonnement qui fait grincer des dents à cause de l’effet d’éviction de la dette sur l’économie.
Le rééchelonnement pas question
Rééchelonner la dette pour faire face aux besoins importants, M. Benchaâboun n’y songe même pas. Et pour cause : le non-paiement d’une dette équivaut à une nouvelle dette. Aussi, avec la requête du rééchelonnement de la dette, le pays intègre la liste des pays incapables de rembourser leurs dettes, des pays asphyxiés sur le plan financier et du coup, sa notation à l’échelle internationale se dégrade. « Le pays passe à la phase de défaut de paiement, ce qui n’est pas exempt d’impact sur son classement. C’est pour dire que le rééchelonnement de la dette n’est pas en soi une solution pour le Maroc face à la pandémie. Il serait même souhaitable de contracter un nouveau crédit et rembourser l’ancien que d’opter pour cette procédure », explique le ministre lors de la commission des finances tenue le 30 avril. Mais encore faut-il s’endetter avec modération.
C’est même impératif. Au risque de sombrer dans la léthargie et vivre les moments difficiles des années 80, l’Etat doit gérer en bon père de famille son budget. D’abord pour des raisons morales comme on n’a eu cesse de le dire : on ne peut continuer à hypothéquer avec l’endettement l’avenir des générations futures. En ces moments difficiles, le coût de l’endettement ne cesse de monter en flèche. Et in fine, en dépit de toutes les évaluations la capacité d’endettement d’un pays se trouve limitée.
1 comment
Il faut une dtte dite perpétuelle