Ecrit par Soubha Es-Siari I
Sans vouloir remettre en cause la fiabilité des chiffres du HCP, en tant que médias, nous ne nous attardons pas sur les indicateurs pris séparément mais d’une manière globale. En économie personne ne peut nier l’interdépendance des données.
Après une croissance mitigée en 2023, les projecteurs sont braqués sur 2024 que d’aucuns qualifient d’année de transition vers un cycle de relance de croissance économique. Parmi les leviers de la relance, la demande intérieure est aux premières loges.
« La demande intérieure resterait le socle de la croissance économique nationale au deuxième trimestre 2024 ». C’est en ces termes que s’est exprimé le HCP dans son dernier numéro de conjoncture consacré à la croissance économique du premier trimestre 2024. « Les gains de pouvoir d’achat, permis par le reflux de l’inflation, et le recours intensifié à l’épargne soutiendraient une augmentation de 2,6% de la consommation des ménages », annonce la même source.
Toutefois, force est de constater que trois mois après, le HCP dans son enquête permanente de conjoncture auprès des ménages révèle qu’au premier trimestre de 2024, plus de la moitié des ménages s’attendent à une dégradation du niveau de vie. Les prix des produits alimentaires devraient selon ses enquêteurs continuer à augmenter soit 76,3% des ménages. D’après la même enquête seuls 9,3% contre 90,7% des ménages s’attendent à épargner au cours des 12 prochains mois. Des chiffres qui n’augurent rien de bon et ne cadrent nullement avec les prévisions de croissance économique de l’institution de Lahlimi.
Au-delà même des chiffres, la cherté du coût de la vie au quotidien continue de peser de tout son poids comme un lourd fardeau sur les ménages. Elle rappelle à tout un chacun que bien qu’elle ralentisse, l’inflation demeure pesante.
Sans vouloir remettre en cause la fiabilité des chiffres du HCP, en tant que médias, nous ne nous attardons pas sur les indicateurs pris séparément mais d’une manière globale. En économie personne ne peut nier l’interdépendance des données.
Que disent les chiffres ?
Il est utile de rappeler qu’après pratiquement une année de répit, suite à la crise liée au Covid19, l’inflation a pointé du nez en 2022, s’est installée jusqu’à 2023.
Après le pic de 10,1% atteint en février 2023, elle s’est inscrite en baisse, revenant à 3,4% en décembre et terminant ainsi l’année 2023 avec une moyenne de 6,1% après 6,6% en 2022.
Selon les pronostics de BAM, l’inflation poursuivrait son ralentissement pour s’établir à 2,2% en 2024 et à 2,4% en 2025. Sa composante sous-jacente a suivi une trajectoire similaire, passant de 6,6% en 2022 à 5,6% en 2023, et devrait osciller autour de 2,3% en 2024 et en 2025.
Le resserrement monétaire auquel a recouru la Banque Centrale pour remédier à l’inflation s’est répercuté sur les agrégats macroéconomiques y compris la consommation, l’épargne…
Depuis, la propension à consommer des ménages s’est trouvée réduite à cause de l’inflation suite à l’effritement des revenus mais également de la hausse des taux qui a renchérit le coût du crédit. Même les plus nantis ont été contraints de baisser la voilure face à un manque de visibilité. Cette tendance pourrait se reproduire en 2024 comme relevé par l’enquête des ménages du HCP et donc une relance économique à partir de la demande intérieure notamment dans sa composante ménages n’est pas du tout garantie.
L’autre composante de la demande interne à savoir les dépenses d’investissement pourraient conserver leur dynamique grâce au renforcement des dépenses publiques et à la poursuite de l’effort d’équipement des entreprises, dans un contexte de reflux des prix à l’import des biens d’équipement industriel. Les préparatifs pour la CAN 2024 pourraient booster par ailleurs l’investissement. Aussi sur la foi de la Loi de Finances 2024, avec un budget prévisionnel de l’investissement public dépassant les 300 Mds de DH, une telle tendance serait-elle plausible.
Aujourd’hui auprès des institutions nationales, on constate qu’un regain d’optimisme s’installe quant à la baisse du taux d’inflation. Et pourtant de fortes incertitudes persistent au niveau international, avec les tensions géopolitiques et la tenue d’élections dans de nombreux pays et, au plan national, avec les conditions climatiques et le stress hydrique.
Il suffit de surfer sur les autres sites de médias étrangers pour se rendre compte que les pouvoirs publics des autres pays font et refont leur prévisions économiques en scrutant chaque jour les tensions géopolitiques que ce soit en Ukraine ou en Palestine qui déterminent les coûts des matières premières.
Ils sont également attentifs à la politique monétaire de la Fed. Le président de la Fed Bank of New York, John Williams, a déclaré ce lundi 6 mai qu’à un moment indéterminé, la banque centrale américaine abaissera son taux d’intérêt cible. Autrement dit, le manque de visibilité règne toujours dans l’économie de l’Oncle Sam. Dire qu’au Maroc, la demande interne va driver la croissance économique serait juste hasardeux.