Les rencontres d’octobre et de décembre entre le ministre de tutelle, Aziz Akhannouch et les différents professionnels du secteur agricole balisent le terrain vers l’établissement du bilan des dix ans du Plan Maroc Vert mais surtout pour établir des recommandations pour l’avenir du Plan. Les grandes lignes directrices sont déjà établies à travers le discours royal pour impulser une nouvelle dynamique socio-économique au plan. Une question demeure pourtant : Le Plan a-t-il amélioré la résilience du secteur aux aléas climatiques ? La réponse avec Aziz Akhannouch.
Depuis l’indépendance du Maroc, le secteur de l’agriculture et sa réforme occupe une place prépondérante dans les priorités du Maroc. Cinquante ans de réformes et de projets, dont certains étaient un échec cuisant d’autres avaient besoin d’être mis dans une stratégie globale et certains ayant connu un grand succès comme le Projet Sebou dans les années 70, ont ponctué l’histoire postcoloniale du Royaume. A l’aune de l’avènement du Plan Maroc Vert en 2008, il était presque normal de constater une défiance quant aux objectifs ambitieux de ce « nouveau » plan qui se positionnait comme l’instrument d’une nouvelle dynamique d’objectifs dont les principaux acteurs seraient les fellahs eux-mêmes avec une aide financière importante de l’Etat pour relancer la machine d’investissement dans le secteur.
D’autant plus que le PMV vient, et c’est peu de le dire, rectifier la trajectoire de la Stratégie 2020 du développement rural qui avait enregistré des avancées certes, mais a aussi montré certaines limites notamment du point de vue juridique, institutionnel, des mécanismes de financement et au niveau des pratiques des programmes et projets de développement.
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Les attentes étaient importantes et les appréhensions également. Dix ans plus tard, tout le monde est aux aguets pour voir finalement si ce Plan a abouti conformément aux objectifs arrêtés. Dont le principal est le renforcement de la résilience du secteur face aux aléas climatiques, qui ne l’ont pas seulement fragilisé mais réduit toutes les actions menées pour développer le secteur.
Et qui mieux que Aziz Akhannouch, le ministre de l’Agriculture de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, pour répondre à cette question : « En matière de résilience, le Plan Maroc Vert a quand même permis de planter 500.000 ha en arbres fruitiers et nous atteindrons 600.000 Ha d’ici la fin de l’échéance de dix ans du PMV », explique-t-il.
Pour y parvenir le département ministériel travaille sur deux volets. « D’abord, la reconversion des terres agricoles qui cultivaient les céréales, une culture qui a la particularité quand il y a une faible pluviométrie, de compromettre toute la saison et mettre l’exploitant en difficulté », explique le ministre.
Et d’ajouter « Aujourd’hui les arbres fruitiers sont plus résistants aux changements climatiques ce qui permet d’améliorer les revenus des agriculteurs et en même temps assurer une pérennité de la production et une meilleure valorisation des terres agricoles ».
Concernant le deuxième volet, toujours dans le cadre de l’amélioration de la résilience de la production aux changements climatiques notamment à la raréfaction de l’eau : « Nous avons travaillé sur l’économie d’eau, sur les bassins, le goutte à goutte et sur l’extension du périmètre irrigué. Ce travail a permis de mieux cerner cette problématique de l’eau et de trouver des solutions même lors des années difficiles de sècheresse. L’économie de l’eau a contribué à une augmentation de la valorisation des produits parce qu’elle améliore la production. Ces deux facteurs ont permis de réduire considérablement la dépendance aux aléas climatiques et à la pluviométrie. D’ailleurs les céréales ne pèsent plus que pour 14 % du PIB agricole alors qu’elles étaient à 23 à 25 % », révèle Aziz Akhannouch.
Il évoque également l’apport de l’amélioration de l’élevage ce qui permet des générer des revenus supplémentaires.
« Du coup, le mixte produit agricole s’est amélioré quelque que soit la pluviométrie », insiste le ministre.
Pour le responsable, le PMV a également pris en considération le volet environnemental : « Quand vous plantez 12 millions d’arbres fruitiers chaque année, vous participez à l’amélioration des revenus mais également améliorer l’environnement dans les régions concernées. Quand vous faites une économie d’eau de 1,6 milliard de m3 d’eau par an, c’est une action concrète en faveur de l’environnement, quand vous faites une loi sur l’agriculture biologique et vous structurez cette profession qui travaille sur 50.000 ha, quand vous vous occupez des oasis avec une agence dédiée qu’est l’ONZOA, qui replante les oasis et s’intéresse à l’irrigation dans les zones atypiques, vous mettez des plans, des investissements et accompagnez l’éducation, vous préservez les oasis et créez des activités génératrices de revenus pour les populations sur place… Ce sont autant d’éléments et tant d’autres contenus dans le PMV qui tendent vers la préservation de l’environnement ».
Le Plan décliné en deux principaux volets, a également essuyé des critiques quant au fait qu’il profite plus aux grandes exploitations qu’aux petits fellahs. Justement la dernière rencontre organisée le 18 décembre à Skhirat par le ministère avec les professionnels du secteur agricole autour du bilan des programmes transverses structurants du Plan Maroc Vert, a été l’occasion pour Aziz Akhannouch de dévoiler des chiffres importants. Notamment que l’investissement public du PMV (qui représente 40% des 104,7 milliards investis entre 2008 et 2018) ait profité à hauteur de 57 % aux exploitations de moins de 10 ha, à 23 % entre 10 à et 50 ha et 20 % aux exploitations de plus de 50 ha. Pas seulement ! Le programme de l’irrigation a profité à hauteur de 80 à 90% aux petits agriculteurs sur un total de 220.000 exploitations agricoles bénéficiaires.
Même son de cloche du côté de l’agrégation, puisque sur les 60 projets déjà réalisés avec un investissement de 13,6 milliards de DH, au profit de 155.000 exploitations, 80% des bénéficiaires sont des petits agriculteurs.
Si la rencontre de Skhirat comme celle de Marrakech, avait pour objectif d’écouter les doléances des professionnels et de préparer l’évaluation finale du Plan, ces deux rencontres ont pour but principal d’élaborer des recommandations pour la suite à donner au plan, identifier les leviers d’amélioration et surtout proposer des actions à même de renforcer les ramifications sociales du plan ; particulièrement l’émergence d’une classe moyenne rurale, conformément aux orientations royales contenues dans le discours d’ouverture de la session parlementaire d’automne.
Des ambitions encore plus importantes
Le Plan Maroc Vert (PMV) entame un important virage. Dès octobre dernier, le Roi posait dans son discours à l’ouverture de la session parlementaire d’automne, les grandes lignes directrices de la voie qu’empruntera le PMV, dix ans après son lancement. Le secteur agricole est d’ailleurs identifié comme pouvant être un pourvoyeur plus performant et un instrument plus efficace pour assurer de meilleures conditions de vie et d’établissement en milieu rural.
« Actuellement, nous sommes au stade d’évaluation et on considère que la réunion de Skhirat est la dernière dans le sens d’établir un bilan dans les semaines à venir. C’est également une occasion de plus d’associer et de mettre les professionnels à contribution au travail de réflexion grâce aux recommandations formulées. On entamera l’année 2019 par un travail sur toutes ces recommandations pour aboutir à des idées claires dans deux ou trois mois », annonce Aziz Akhannouch.
Et d’insister : « Le socle de la stratégie est clair : le discours de SM le roi a évoqué l’employabilité des jeunes, la création d’une classe moyenne agricole, encourager l’investissement chez les ayant-droit et les terres agricoles non utilisées aujourd’hui chez les ayant droits … Il sera également établi le niveau d’investissement qui sera maintenu pour le plan et les moyens financiers à mobiliser, le niveau de production… ».
En matière de gouvernance, le ministre estime que beaucoup a été fait mais il y a encore plus à faire en matière de formation, de système d’information, de digitalisation… « Mais les priorités seront discutées par les professionnels qui seront associés à la réflexion et les grandes lignes contenues dans le discours royal constitueront les lignes directrices de notre travail futur », conclut-il au micro d’EcoActu.ma.