Ecrit par Imane Bouhrara|
La Covid-19 n’a rien arrangé à la situation des droits des femmes au Maroc et dans le monde, enclenchant une dégradation qui rase des décennies de lutte.
« Happy Women’s day », « joyeuse fête à toute les femmes », des roses et du chocolat… trois petits tours et puis s’en vont.
Mais pas si vite, cette année particulièrement le cœur n’est pas à la liesse (sic) générale que provoque le 8 mars, qui rappelons-le célèbre depuis 1921 la journée internationale des droits des femmes.
Et oui, dans la précipitation, volontairement ou involontairement, on laisse échapper le mot « droits » du décor des festivités. Ces festivités corrompent l’essence même de la désignation de cette journée comme consacrée à la lutte pour les droits des femmes.
Cent ans depuis que la Russie soviétique a officialisée cette journée consacrée à la lutte pour les droits des femmes, le bilan est piteux et amplifié par les effets néfastes de la Covid-19.
Ainsi, selon la Banque mondiale, avant même la pandémie, la probabilité qu’une femme possède un téléphone mobile dans les pays à revenu faible et intermédiaire était de 8 % inférieure à celle d’un homme.
Dans ces pays, les femmes sont 300 millions de moins que leurs homologues masculins à utiliser l’internet mobile, soit un écart de 20 % entre les sexes. Cette fracture numérique entre hommes et femmes s’est aggravée en raison de la COVID-19.
Les pays de la région MENA, y compris le Maroc, enregistrent des taux de participation des femmes au marché du travail des plus faibles dans le monde (entre 20% et 30% en 2019).
Au Maroc, face à l’explosion du chômage, entre 2019 et 2020, ce taux est passé de de 13,5% à 16,2% pour les femmes alors que le taux moyen est de 11,9%, selon le HCP.
D’ailleurs, pas plus tard que la semaine dernière la Direction des Etudes et des Prévisions Financières (DEPF) relevant du Ministère de l’Economie et des Finances et de la Réforme de l’Administration, en partenariat avec le Centre d’Excellence de la Budgétisation au Genre (CE-BSG) et ONU Femmes, a élaboré une étude qui a montré qu’une réduction complète de l’écart d’emploi entre les femmes et les hommes, en éliminant les barrières à l’activité des femmes y compris celles liées à l’éducation, induirait une hausse du PIB par habitant de 39,5%.
Par ailleurs, le HCP estime que les violences physiques et sexuelles à l’égard des femmes coûteraient aux ménages 2,85 milliards de DH ou 957 DH par victime.
Dans les médias, la femme est en proie à des clichés rétrogrades et révolus pourtant véhiculés par une société patriarcale et machiste. L’inégalité est palpable même dans le temps d’antenne consacré aux femmes. Ainsi, la HACA souligne qu’il y a une grande rupture d’égalité entre les hommes et les femmes en termes de temps de parole et d’intervention dans les programmes audiovisuels d’information.
On peut continuer longtemps à citer des études et des rapports qui démontrent que la parité inscrite dans le marbre de la Constitution de 2011, la loi pour la suppression des violences à l’égard des femmes et d’autres lois restent prisonnières du papier, en raison d’un pouvoir exécutif et législatif qui relèguent cette question aux calendes grecs, malgré ce qu’il en coûte au développement de notre pays.
Les beaux discours n’engagent finalement que ceux qui y croient. Il n’y a que les chiffres qui ne mentent pas et ils sont peu reluisants.
Seule lueur d’espoir dans ce marasme est la loi électorale qui balise le terrain vers une meilleure représentativité des femmes.
Une fois les lampions éteints de cette journée du 8 mars, les femmes retourneront à un quotidien pénible empreint d’incertitude, d’inégalité, d’iniquité et d’injustice que ni les bouquets de roses ni les paquets de chocolats ne sauront adoucir.
Alors merci pour les roses et pour le chocolat, mais ce n’est pas ce que nous demandons aujourd’hui : nous voulons l’égalité d’accès à tous nos droits, comme nous remplissons tous nos devoirs ! Que la lutte continue !