Ecrit par Lamiae Boumahrou I
Le PLF2024 a apporté son lot de mauvaises surprises qui risquent de faire très mal notamment à la classe moyenne. 4 baisses de TVA contre plusieurs hausses dans des secteurs vitaux notamment l’eau l’électricité, le transport, les matières de première nécessité (gaz, sucre et blé). Le gouvernement n’a-t-il pas trop enfoncé le clou ?
Depuis septembre 2021 que nous nous attendions de voir comment le gouvernement d’Akhannouch, constitué globalement d’hommes d’affaires, de businessmans et d’entrepreneurs, allait opérer le changement de paradigme, tant attendu, pour la gestion de la chose publique. Pendant 2 ans, l’équipe aux commandes prônait le travail dans la discrétion totale et dans le silence absolu.
Car pour l’équipe Akhannouch ce qui compte ce ne sont pas les paroles mais plus les actions. En effet, contrairement à ce qu’on croyait, la communication et la relation avec les médias des membres de l’Exécutif ne sont pas leur tasse de thé. Nos chers ministres (pas tous) auraient oublié que le Maroc a, ou avait, placé le droit à l’accès à l’information comme priorité nationale garantie par la loi 31-13 relative au droit du citoyen d’accéder à l’information auprès de toutes les administrations et institutions publiques. Malheureusement, l’information est devenue une denrée très rare, ce qui empêche le 4ème pouvoir de jouer le rôle qui lui incombe. Mais bon, revenons à notre sujet.
Après 2 exercices, le gouvernement nous pond un PLF qui divise. Déçue ? Je dirai plutôt frustrée de constater que le gouvernement a, une fois de plus, choisi la facilité pour exécuter les orientations royales. Et pour cause, dans le viseur du gouvernement, la classe moyenne qui va subir de plein fouet, à partir de 2024, les conséquences des mesures prises dans le cadre de cette loi. Une classe moyenne qui est, depuis un moment en raison de la hausse des cours des matières première, joue à la slackline pour éviter de tomber du fil et de se retrouver dans le vide. Force est de constater que le PLF 2024 a apporté son lot de surprises qui risquent de faire mal et de faire basculer une bonne partie de cette frange de la population dans la précarité.
Pour faire avaler la pilule et espérant adopter le PLF 2024 sans trop de bruit, le gouvernement a prémédité lancer les projets sociaux tant attendus dans la foulée de la présentation dudit projet. Il s’agit du lancement de l’aide sociale directe, le lancement de la 1er tranche des aides au logement pour les sinistrés d’Al Haouz, le lancement des aides directes aux logements…
Des projets que l’on ne peut qu’applaudir mais dont l’exécution ne devrait pas se faire dans la douleur.
En effet, le gouvernement est censé exécuter de la meilleure manière possible, tout en respectant le principe de l’équité et la justice sociale fondée sur l’égalité des droits pour tous et le droit de bénéficier du progrès économique et social du pays, ces projets royaux.
La force d’un gouvernement réside, bien évidemment, dans sa capacité à exécuter les programmes et stratégies en mobilisant les ressources financières nécessaires sans fragiliser une classe sociale au détriment d’une autre et sans faire sombrer le pays dans le spectre de l’endettement. Il faut se donner les moyens de ses ambitions par l’innovation et non pas par le recours à la voie la plus facile à savoir l’augmentation des taxes et des impôts. L’élargissement de l’assiette fiscale et la croissance soutenue sont les facteurs clé pour atteindre les objectifs sus mentionnés.
Malheureusement, ce qui ressort du PLF 2024 va un peu à l’encontre du principe de l’équité sociale.
A commencer par la réforme de la TVA. Le gouvernement a prévu l’exonération de la TVA de 4 produits à savoir : les médicaments, les fournitures scolaires, le beurre et les conserves de sardines. Sauf qu’à notre connaissance, outre les médicaments, les autres produits ne sont pas de première nécessité. De la poudre aux yeux ? En tout cas, si impact il y aura de cet abattement, il serait minime.
En contrepartie, le gouvernement a décidé d’augmenter le taux de la TVA de l’eau, l’électricité, l’assainissement, le sucre, les voitures économiques et le transport de passagers et de marchandises.
Rien que ça ? Non, il a également prévu d’augmenter le taux de la TVA de 2,5% à 30% de la quotité́ du droit d’importation applicable à certains produits finis de consommation : petits appareils électriques (rasoirs, tendeuses, sèche-cheveux, fers à repasser, fours à micro-ondes,…) et les postes téléphoniques d’usagers, y compris les téléphones intelligents.
Sans oublier la hausse permanente du prix des carburants et la réforme de la Caisse de compensation qui va démarrer à partir d’avril 2024, soit 3 mois après le versement des aides sociales directes. Résultat des courses, les prix des bonbonnes de gaz, le pain et le sucre vont progressivement augmenter jusqu’en 2026.
La superbe équipe du gouvernement a-t-elle estimé l’impact de toutes ces hausses, appliquée dans un seul exercice, sur le pouvoir d’achat des Marocains notamment celui des classe moyenne et défavorisée, censée sortir la tête de l’eau grâce à ces programmes sociaux ? L’Etat donne d’une main et prend de l’autre.
La question aussi qui se pose avec acuité : pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas adopté de mesures pour la classe bourgeoise, ou plutôt les intouchables ? Pourquoi les fortunes de ce pays ne sont pas directement impliquées dans ce processus d’instauration de cet Etat social que proclame le gouvernement ? Pourquoi ça doit toujours tomber sur les plus vulnérables ?
C’est pour éviter ce genre de confusion et de frustration que le nouveau modèle de développement avait recommandé le divorce entre la politique et le business.
Cela dit, si certains ne réalisent pas le degré de gravité de ce qu’apporte ce PLF 2024 en terme d’injustice sociale, ils n’auront qu’à patienter quelques mois pour ressentir l’impact de ces mesures sur leurs bourses. Wait and see !