En l’absence de chiffres renseignant sur l’état d’avancement des opérations d’amnisties fiscales contenues dans la Loi de Finances 2020 et dont les délais ont été reportés dans la Loi de Finances Rectificative, chacun fait sa propre lecture.
Pour chacune des amnisties, il est difficile d’arracher des indicateurs que ce soit de la Banque Centrale, du ministère des Finances, de la DGI… Un manque de communication trop criard entoure ces opérations. Dans les sorties médiatiques, les officiels nous abreuvent de discours dépourvus de chiffres mais pleins d’espoirs. Un optimisme béat qui donne matière à réflexion.
Ils continuent à promettre monts et merveilles faisant fi de la situation économique du pays qui est catastrophique.
Les prévisions de croissance de la Banque Centrale ont d’ailleurs été révisées à la baisse à – 6,3% en 2020 (contre les -5,2% prévus en juin). Bref juste pour dire que la casse serait très lourde aussi bien pour les entreprises que pour les ménages.
Dans une récente sortie médiatique, Khalad Zazou, Directeur Général par intérim de la DGI tout en reconnaissant que les amnisties ont été freinées par la crise pandémique et le confinement qui a duré près de 3 mois, se veut aujourd’hui plus rassurant.
Il explique par ailleurs le pourquoi du report du délai de l’ensemble des différentes amnisties dans le cadre de la Loi de Finances rectificative 2020 sans pour autant admettre que ces mêmes contribuables broient toujours du noir.
Le report est prolongé jusqu’au 15 décembre 2020 et concerne aussi bien la régularisation spontanée de la situation fiscale des contribuables, la régularisation de la situation fiscale des contribuables n’ayant pas déposé leur déclaration annuelle du revenu global ainsi que la contribution au titre des avoirs liquides déposés dans des comptes bancaires ou détenus.
En effet, bien que la situation économique soit compromise, l’argentier du Royaume Mohamed Benchaâboun ne veut pas lâcher prise.
Et pour cause, les caisses de l’Etat se vident : une aggravation du déficit de 46,5 milliards de DH à fin août, contre 35,2 milliards de DH un an auparavant.
Les propos à élucider
Interrogé par nos confrères sur l’impact de la pandémie sur les opérations d’amnistie, Khalad Zazou rassure que depuis la reprise, les choses commencent à reprendre. Il parle même d’un engouement constaté à partir du mois de septembre.
Des propos à prendre avec des pincettes pour qui sait lire. Comment peut-on parler d’engouement sachant qu’il y a à peine deux semaines que le service traitant des irrégularités relevées par l’Administration fiscale avait été activé sur la plateforme de la DGI ?
La mise en marche de ce service sur la plateforme se veut déterminante dans le processus de régularisation des arriérés dans la mesure où elle génère les irrégularités relevées par le Fisc à travers des contrôles automatisés ou au moyen de recoupement.
Dès la mise en place de ce service, plusieurs contribuables ont déposé leur demande restée lettre morte auprès de la DGI. Interpelée sur la situation par les professionnels, l’administration des impôts argue que nombre d’entreprises accèdent audit service sans pour autant avoir l’intention sérieuse d’y adhérer.
A ce titre, elle les invite, pour adhérer à leur requête et s’assurer de la bonne volonté, à procéder à des demandes écrites. C’est pour dire que le processus risque d’être encore plus lent avec des demandes écrites à traiter.
Autre déclaration qui mérite d’être élucidée est que la DGI est consciente que le surplus d’impôt est un lourd fardeau pour l’entreprise en ces temps de crise. « L’essentiel à ce stade, c’est de faire sa déclaration avant le délai du 15 décembre et on pourra trouver des formules avec les entreprises et les banques pour faciliter le paiement de l’impôt », a annoncé K. Zazou.
S’il est fait allusion à des facilités de paiement, autant rappeler que dans la Loi de Finances rectificative, il est écrit noir sur blanc que les contribuables concernés peuvent souscrire à la déclaration rectificative précitée et s’acquitter des droits complémentaires en un seul versement jusqu’au 15 décembre 2020. Procéder à des facilités serait donc outrepasser la loi. Or le rôle de la DGI est de veiller à l’application de la loi et non pas de la légiférer.
Le législateur aurait dû anticiper ce genre de difficultés très prévisibles à l’occasion de l’élaboration de la Loi de Finances rectificative et du coup proposer un tel arrangement.
Il est clair que via cette sortie médiatique, le responsable de la DGI, emballé, souhaite encourager les contribuables à s’acquitter de leurs dus, les rassurer et gagner leur confiance dans un climat entouré d’incertitudes.
Mais comme nous l’avions annoncé dans une précédente publication, comment convaincre une industrie textile qui, en ce moment, file un mauvais coton, une industrie agroalimentaire qui se périme, un secteur touristique qui fond comme neige au soleil, de l’intérêt d’une telle opération ? Ces entreprises survivent aux crochets de l’Etat en bénéficiant de manière directe ou indirecte de l’aide publique.
Il faut avoir les fils qui touchent pour croire à une adhésion massive à ce projet et à la réussite de telles opérations.
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