L’une des choses qui nous sont données de faire par de pareils drames, c’est d’observer la retenue de parole infâme, et faire de l’excès de modestie, à défaut de donner du temps utile par ce temps d’inertie.
Pour d’autres, l’une des plus belles choses qui leur sont données de faire par ce confinement, est de revisiter les étagères de leur bibliothèque et de redécouvrir par temps calme, l’intensité de tant de connaissance essuyée par des vies trépidantes de tant de vacarme.
Et l’une des plus belles choses que certains ont pu croiser dans leur promenade livresque, est la contemplation des formules foudroyantes de Camus dans son grand chef d’œuvre La Peste. Je cite :
« L’honnête Homme, est celui qui n’infecte personne. C’est celui qui a le moins de distractions possibles. Et il en faut de la volonté et de la tension pour ne jamais être distrait…..( ) Etre un Homme, c’est avant tout chercher à servir l’Humanité. La servir, non la sauver, ce qui est chimérique ou dangereux ». Et c’est le même Camus qui rappelle dans l’Homme révolté, qu’ « un Homme, ça s’empêche ».
Comme toute œuvre « classique » assurée de durer, « la Peste nous apprend à mieux nous connaître, pour apprendre à mieux nous conduire », et la « conduite », est bien l’idée propre à la pandémie du Coronavirus et de la stratégie à suivre, l’idée de « l’ordre intelligent qu’une société introduirait dans le désordre d’un fléau ». Aujourd’hui comme il y’a un peu moins d’un siècle, l’histoire de la santé nous exhorte toujours aux mêmes règles.
Au Maroc, nous avons applaudi avec force et vigueur la précocité , voire même, la primeur dans la mise en place des mesures d’urgence sanitaire, avant même l’urgence de l’heure. Des mesures réactives, et surtout anticipatives à toutes les formes de désobéissance rétive.
Un Maroc, tel que nombreux espéraient y vivre et s’y sentir : en sécurité, auprès de nos autorités.
Un Maroc qui, très vite, très tôt, a pu être solidaire dans la réunion de milliards de dirhams, et autant d’initiatives et d’énergies vitales.
Mais au Maroc hélas, et pour ceux qui arrivent encore à mettre le nez dehors, les nombreux milliards ne serviront peut-être pas, car les quelques « gestes-barrière » ne sont pas par tous, respectés scrupuleusement.
A quoi bon donc autant de sacrifices, notamment par ceux qui s’exercent à la rigueur de la distanciation sociale, si ne serait-ce que le mètre de distance entre 2 individus n’est pas l’objet d’une responsabilité morale, totale. Et ne citons même pas l’effort du reste, qui n’est pas moindre et qui exige encore moins de leste.
Il sert à quoi le confinement méticuleux de millions d’individus, si celui-ci est annulé dans ses effets, par la proximité ne serait-ce que de 2 esprits à l’effort peu coûteux.
Cela nous sert à quoi si en se confinant avec sincérité, on ne gagne même pas dans la certitude d’en être au plus tôt libérés, car un mètre de distance en moins, et un jour de confinement en plus.
Non, au Maroc, nous ne sommes pas tous convenablement confinés.
Et cela relève pour tous, de notre responsabilité, au même titre que de notre solidarité. Soyons engagés, au delà de toute autorité. C’est là bien la marque des nations éduquées. Et donnons-nous l’occasion de remettre du respect à nos autorités.
« Les victoires du médecin ne sont toujours que provisoires », peut-on lire ou relire dans la Peste. Pour qu’elles soient un peu plus durables , n’oublions pas non plus qu’un Homme, ça s’empêche.
Les grands penseurs et chercheurs commencent déjà à penser au jour d’après. Mais au jour qui précède, qui le premier sera dans le monde, à s’excuser. Aujourd’hui est pour que demain soir médité.
Par Soraya Kettani, présidente FOMAGOV, chercheur, analyste en com politique et publique
2 Commentaires
Beaux et fort. Votre plume est sincère et magnifique, dommage qu’elle évoque des vérités qui désolent et attristent. Nous sommes tous impuissants face a l’ignorance ou l’égoïsme de certains de nos concitoyens, espérons que dieu aide les bons a faire du bien. En tout cas j’ai eu un grand bonheur a lire votre article. Bravo.
Superbement bien écrit, merci. Ceci dit, le Maroc à deux vitesses ne peut pas disparaître avec le confinement, par contre notons avec une très grande satisfaction l’efficacité et la réactivité remarquable du gouvernement qui a fait faire un bon en avant dans les mentalités par les actions de solidarité qu’il a initiées. Nos racines culturelles sont saines et sauves, AlhamdoulilLah, et ne demandent qu’à plus de solidarité, d’éducation et de travail pour tous. Le besoin d’égalité des chances est retentissant, il sera entendu et satisfait, j’en suis certain.